Canal+ – Lundi 22 octobre – 21 heures, Série

Avec l’œuvre captivante qu’élabore Eric Rochant autour du service de renseignement extérieur de la France (la DGSE), la représentation de l’espionnage français a gagné ses lettres de noblesse. L’agent secret tricolore n’est plus un être vil, fourbe ou ridicule, mais un serviteur de l’Etat, un grand professionnel du renseignement et de l’ombre comme les Britanniques aiment à l’honorer. Lui-même passionné de documentation sur l’espionnage, le cinéaste aura imaginé, pour donner chair et esprit au personnel du « bureau des légendes » (BDL), au sein de la DGSE, des intrigues puissamment inspirées de l’actualité géopolitique et superbement écrites. En initiant le spectateur, en cette saison 4, aux nouveaux enjeux de la lutte entre grandes puissances : la cybersécurité, la création et le contrôle de l’intelligence artificielle, en bref la guerre à coups de codage informatique.

Le tout nouveau responsable de la sécurité interne de la DGSE, surnommé « JJA » est interprété par Mathieu Amalric

Petit rappel de la situation du Bureau des légendes, sachant que le récit reprend là où il s’était arrêté en fin de saison 3. Recherché par son ancien service de la DGSE et par la CIA, Guillaume Debailly, alias « Malotru » (Mathieu Kassovitz), poursuit sa cavale après sa trahison et trouve refuge à Moscou. Dorénavant à la tête du BDL, Marie-Jeanne Duthilleul (Florence Loiret-Caille) compte bien le récupérer, coûte que coûte ; mais il lui faudra d’abord rendre des comptes au tout nouveau responsable de la sécurité interne de la DGSE, surnommé « JJA », bien décidé à faire le ménage après « la pire catastrophe interne qu’ait jamais connue la DGSE ». Interprété par Mathieu Amalric, ce JJA à la voix faussement suave et au calme impérial rappelle le glaçant personnage de Gustavo Fring dans la série américaine Breaking Bad.

Mission à très haut risque

L’équipe du BDL va donc voir ses propres faits et gestes analysés, suspectés, JJA étant à l’affût des « traîtres » du service qui auraient pu seconder Malotru dans sa désertion.

Sur le terrain, le BDL va se lancer dans une mission à très haut risque : introduire un agent clandestin dans le centre moscovite qui, contrôlé par les services fédéraux de sécurité (FSB), se spécialise dans les cyberattaques et l’intelligence artificielle. Une opération à laquelle participera notamment l’agent « Rocambole », autrement dit la sismologue Marina Loiseau (Sara Giraudeau), que l’on découvrira forte dans sa mission et fragile, voire désespérée, face à sa source – un jeune homme qui l’informe à son insu, mais dont elle ne veut pas gâcher la vie et qu’elle ne veut pas voir finir en prison. Outre la Russie, qui s’impose sur le devant de la scène cette saison-ci, le Proche-Orient et ses djihadistes à même de revenir en France pour commettre des attentats vont aussi continuer de mobiliser les forces du contre-terrorisme, de la base militaire turque d’Iskenderun à Mossoul, Rakka ou Damas.

Lire aussi le portrait dans « M » : Les démons de Mathieu Kassovitz

Est-ce dû à l’arrivée de la cinéaste Pascale Ferran (Lady Chatterley, Bird People) à la tête du pool des réalisateurs de cette saison 4 ? Se remarquent en tout cas plus encore qu’auparavant le soin apporté à des détails éclairants de mise en scène et le recul pris pour analyser la géopolitique en cette époque de cyberattaques.

« Le Bureau des légendes », saison 4, série créée par Eric Rochant. Avec Mathieu Kassovitz, Florence Loiret-Caille, Sara Giraudeau, Jonathan Zaccaï (France, 2018, 10 x 52 minutes). Mycanal.fr

Le lancement de cette saison 4 s’accompagne de la sortie d’un livre de l’historien Bruno Fuligni, qui explique les bases du métier en dix-huit leçons : « Le Bureau des légendes décrypté » (Ed. L’Iconoclaste, 2018, 260 p., 22,90 €).