« Goldfish »

C’est en revisitant en manga la mythologie de Midas, le roi phrygien qui transformait en métal précieux tout ce qu’il touchait, que la dessinatrice allemande Nana Yaa a obtenu son ticket d’or à l’international. Le premier tome de son histoire en trois volumes vient d’être publié en France, chez Nobi Nobi. Il met en scène les aventures de Morrey Gibbs, un petit rouquin aventureux et turbulent qui se retrouve avec le pouvoir de Midas. Parfois malédiction, parfois sujet à retournements cocasses et souvent catalyseur d’astuce, ce don amène ce jeune pêcheur à faire équipe avec Shelly, mi-aventurière mi-Géo Trouvetou, pour chasser des artefacts, des objets mythologiques rares et convoités. Insouciant, le garçon, qui cherche aussi à réunir sa famille, est constamment à la merci de la cupidité des gens qui voient en lui une machine à lingots ou des chasseurs d’objets précieux.

« Midas était un conte grec que me lisait souvent ma grand-mère quand j’étais petite », explique l’auteure de 27 ans, de passage au Salon Paris Manga Sci-Fi Show les samedi 20 et dimanche 21 octobre. Mais pour elle, le thème central de Goldfish est que « l’histoire familiale est plus importante que la richesse. Mais aussi il est question de l’équilibre entre les responsabilités et l’envie de voyager, de s’amuser ».

La mangaka allemande Nana Yaa lors de son passage à Paris, le 19 octobre. / © NOBI NOBI

Bien qu’elle n’en soit pas à sa première histoire — elle appartient désormais à l’écurie allemande de la maison d’édition américaine Tokyopop —, Nana Yaa reconnaît qu’il est difficile de se faire une place dans le registre de manga qu’elle a choisi : les shonen, des BD d’aventures à destination des adolescents, dont One Piece, Naruto ou Dragon Ball sont les prestigieux blockbusters. « Dès le départ, je n’avais aucune intention de concurrencer ces mangas. Notamment parce que je n’en ai pas les mêmes moyens techniques », reconnaît la jeune femme. « De plus, mon histoire s’achève en trois tomes et bien que l’on y reconnaisse les caractéristiques d’un shonen, comme l’humour par exemple, j’ai conscience de n’avoir pas eu le temps de développer le caractère de mon personnage principal. »

Autodidacte, elle cite des inspirations du côté de Ranma 1/2, « pour l’humour », de Hunter X Hunter, « pour la tension et la dramaturgie fortes », mais aussi le dessin animé Digimon, « pour la façon de représenter les relations entre les humains et les créatures ». La dessinatrice offre un manga qui, s’il pourra laisser sur sa faim des lecteurs aguerris, s’avère être un bon titre d’initiation. Après une mise en place un peu dense qui combine à la fois la présentation du pouvoir de Morrey, ses dangers, l’environnement hostile peuplé de créatures mutantes et la rencontre entre tous les personnages, l’intrigue se fluidifie pour se concentrer sur une quête.

« Goldfish » / © NANA YAA - TOKYOPOP

L’auteure a également veillé à attendrir ses lecteurs, avec la maladresse tout enfantine du héros, mais surtout grâce à la relation qu’il tisse avec sa loutre de compagnie, qui l’aide à manger et à s’habiller pour éviter que sa culotte ne se transforme en camisole dorée. Un choix d’espèce qui n’est pas à chercher du côté de sa popularité sur le Net. « Il me fallait un animal aquatique, mais aussi un mammifère capable d’être hors de l’eau, avec des pattes qui pourraient être les mains de Morrey. Finalement, il ne restait plus beaucoup d’options », explique Nana Yaa dans un sourire.

Habituée des rassemblements de pop culture, où elle fraternise avec la dizaine d’autres mangakas allemands (en comptant ceux qui s’autoéditent ou publient sur le Web, précise l’auteure), c’est la première fois que Nana Yaa quittait sa ville de Neuss, non loin de Dusseldorf, pour dédicacer en France. Dans un pays où « la communauté manga est petite mais vend plus en proportion que le reste de la bande dessinée », la dessinatrice, qui ne souhaite pas se cantonner au style japonais, fait partie des meilleurs espoirs. Outre-Rhin, Goldfish réalisait une des meilleurs lancements manga lors de sa sortie, en 2016. Sa publication française, après deux semaines de lancement reste quelque peu confidentielle.

Goldfish, de Nana Yaa, traduction d’Isabelle Laragnou, tome 1 le 10 octobre, éditions Nobi Nobi, 200 pages, 7,90 euros.

« Goldfish » / © NANA YAA - TOKYOPOP