Le livre. C’est un récit atypique de la passion qui l’a animé toute une vie que livre Gilles Gauthier. Conseiller de Jack Lang à l’Institut du monde arabe (IMA) et traducteur du romancier égyptien Alaa El-Aswany, l’ancien diplomate retrace, sur quatre cents pages, le parcours singulier qui l’a mené des Aurès à l’Egypte, où il vit dorénavant, en passant par le Maroc, la Syrie, le Liban, le Yémen, l’Irak et Bahreïn. Souvenirs personnels, anecdotes de diplomate et rappels historiques composent cette histoire intime du monde arabe, où la grande Histoire se mêle avec le récit plus personnel des espoirs nourris, des causes épousées et des hommes qu’il a aimés.

Pour le gamin de Gironde, qui rêvait de ces pays pour tromper l’ennui, l’aventure a débuté dans les Aurès, en 1966, où il est envoyé à 21 ans comme professeur coopérant dans une Algérie encore hantée par la guerre. Gilles Gauthier y vit une homosexualité bien plus assumée que dans la vieille France du général de Gaulle, mais il perd aussi quelques illusions sur ce pays qui se construit dans le rejet de l’ancien colonisateur et la répression. Son aversion pour les régimes autoritaires se confirme lors des cinq années qu’il passe dans le Maroc d’Hassan II, en tant que professeur, dès 1972. Son engagement pour la cause du Front de libération du Sahara occidental, le Polisario, contre le pouvoir en place, lui vaut d’être emprisonné, avant d’être expulsé.

Un portrait caustique du milieu diplomatique

A Paris, où il parfait sa maîtrise de la langue arabe, Gilles Gauthier choisit la diplomatie. Après avoir réussi le concours de secrétaire de chancellerie, c’est à Bagdad, en pleine guerre Iran-Irak, qu’il est parachuté. Au gré du récit de ses affectations dans la région, dont la dernière au Yémen, l’auteur déploie plus de quatre décennies d’histoire et de culture du monde arabe, agrémentées d’un portrait caustique du milieu diplomatique qu’il quitte, sans regret, en 2009.

L’attachement qu’il porte à l’Egypte n’a fait que croître avec la révolution du 25 janvier 2011, dont il a été un témoin privilégié, comme des soubresauts politiques qui ont sonné le glas de l’élan révolutionnaire. Dans toute la région, l’espoir d’« un nouveau monde arabe en marche » a rapidement laissé place à la désillusion face au chaos provoqué par les guerres qui se sont multipliées en Libye, en Syrie ou au Yémen, et à la terreur imposée jusqu’en France par l’organisation Etat islamique. Faisant le procès de l’islam politique qui ronge cette région, Gilles Gauthier n’en garde pas moins la « conviction que le monde arabe est entré en mouvement et que ce mouvement, quelles que soient les souffrances endurées, ne s’arrêtera pas ».

Entre deux rives. 50 ans de passion pour le monde arabe, de Gilles Gauthier. Ed. JC Lattès, 400 pages, 22,50 euros.