Comment mesure-t-on le chômage ?
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Surtout ne pas se lier à des chiffres, ne pas se contraindre par une tendance. Contrairement à son prédécesseur François Hollande, Emmanuel Macron a très vite décidé de décorréler son destin politique de la courbe du chômage. Interrogé sur la question par des journalistes de TF1 lors d’une interview en octobre, il avait déclaré : « La baisse du chômage ne se décrète pas. » Fermez le banc.

Dans un entretien accordé vendredi 26 octobre à plusieurs journaux régionaux, le premier ministre Edouard Philippe explique qu’« en 2017 et en 2018, on a créé beaucoup plus d’emplois en France qu’il n’y en a eu de détruits. Et on a créé de vrais emplois, pas des emplois aidés. La dynamique est là et je suis confiant ».

Très tôt, le président de la République a donné le ton de ce qui allait être une particularité de son mandat sur le front de l’emploi : en Macronie, finalement, on parle beaucoup de travail mais peu de chômage. C’est ainsi que la publication des chiffres de Pôle emploi est passée de mensuelle à trimestrielle. Des statistiques qui ne sont quasiment jamais accompagnées de commentaires politiques de la part du gouvernement. Il y a certes des conférences organisées tous les trois mois au ministère du travail, lesquelles font débattre des chercheurs sur la question.

Retour à la normale

Le chef de l’Etat a néanmoins donné un objectif chiffré d’un chômage à 7 %, mais pour la fin de son quinquennat. A part ça, rien. Les réformes structurelles sur le marché de l’emploi sont soigneusement présentées sous le prisme positif du travail, dont le but premier est de doper l’activité des entreprises qui embaucheront et réduiront alors le chômage.

Pour les uns, il s’agit d’un habile coup de communication. « C’est normal qu’ils ne parlent pas trop du chômage car, comme ça, ils pensent ne pas être comptables des résultats de leur politique qui d’ailleurs n’en produisent pas de bons », estime Boris Vallaud, député PS des Landes, pour qui les bons chiffres en termes de création d’emploi des deux dernières années sont imputables au quinquennat précédent. « La ministre de l’emploi ne fait jamais de visites sur ce sujet-là, elle est en tournée constante sur l’apprentissage, peut être est-ce parce que ça ne marche pas ? On a l’impression qu’il y a une politique du marché du travail et pas une politique de l’emploi… », ajoute un ancien du gouvernement Hollande. Celui-ci pointe, entre autres, la fin de la prime à l’embauche, mais surtout la baisse significative des contrats aidés.

Pour d’autres, en revanche, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un retour à la normale. « Les deux gouvernements précédents ont fait face à une crise importante, le sujet était brûlant, commente un spécialiste de la question. Mais à force de déclarations permanentes, on était tombé dans une situation mortifère. » L’exécutif souhaite donc clairement éviter les écueils de son prédécesseur, afin de ne pas focaliser les Français sur la question. Au risque de donner l’impression de ne pas accorder au sujet du chômage l’importance qu’il mérite ? « Muriel Pénicaud parle tout le temps de lutter contre le chômage de masse. Aujourd’hui, la vérité, c’est que nous l’avons baissé et que nous attaquons la partie structurelle dans beaucoup d’endroits. C’est peut-être insuffisamment dit, mais c’est notre priorité », défend Sacha Houlié, député LRM de la Vienne.