Bureau de vote à Potomac (Maryland), le 25 octobre (vote anticipé). / BRENDAN SMIALOWSKI / AFP

Combien d’Américains iront voter le 6 novembre lors des élections de mi-mandat ? Difficile de le savoir, d’autant que cette année, certains citoyens eux-mêmes ne savent toujours pas s’ils pourront exercer leur droit civique.

Les derniers jours de la campagne sont en effet marqués par la multiplication de cas d’entraves au droit de vote dans plusieurs Etats. Mettant en avant des risques de fraude, pourtant quasi inexistante selon de multiples études parues ces dernières années sur ce sujet, des responsables républicains, aiguillonnés par le président Trump lui-même, s’efforcent de limiter le droit de vote dans certaines communautés.

Dans le Dakota du Nord, les autorités républicaines demandent désormais aux électeurs de présenter une pièce d’identité indiquant leur adresse postale. Début octobre, la Cour suprême a déclaré qu’elle n’interviendrait pas dans cette affaire. Un coup porté au droit de vote des Amérindiens vivant dans les réserves rurales et qui ne disposent généralement pas de telles coordonnées. Cette limitation concernerait quelque 18 000 personnes ; les responsables indiens s’efforcent d’y remédier, dans l’urgence. En 2012, la sénatrice démocrate Heidi Heitkamp avait emporté l’élection avec une avance de quelques milliers de voix seulement, rappelle le New York Times.

Vérifications en cours

En Géorgie, où le poste de gouverneur est âprement disputé, 53 000 électeurs (dont 70 % d’Afro-Américains) attendent toujours de savoir s’ils pourront se rendre aux urnes. En vertu de nouvelles règles, leurs coordonnées sur leur carte d’électeur doivent correspondre, au trait d’union près, à celles enregistrées dans les données officielles. A dix jours du scrutin, les vérifications sont en cours. En outre plus de 100 000 personnes ont été rayées des listes électorales faute d’avoir voté lors des précédentes élections. Une stratégie mise en œuvre par les autorités républicaines de l’Etat, alors que, ainsi que le rapporte The Hill, le candidat républicain au poste de gouverneur, Brian Kemp a évoqué dans un enregistrement son inquiétude sur l’issue du scrutin « si tout le monde a et utilise son droit de vote ».

Enfin, à Dodge City, au Kansas, quelque 13 000 électeurs n’auront à leur disposition qu’un bureau de vote, non desservi par les transports en commun, alors qu’un bureau accueille en moyenne 1 200 personnes. Dans un éditorial critique, The Kansas City Star estime que « la suppression des électeurs est un souci croissant dans le pays ». La ville de Dodge City vit « ce qui semble être une tentative flagrante de limiter le taux de participation dans cette partie du Kansas ». Il rappelle en outre que la population de la ville est hispanique à 60 % et que, traditionnellement, cette communauté vote moins que la moyenne nationale. La compagnie de voiture avec chauffeur Lyft a proposé de véhiculer les électeurs.

Démocratie attaquée

Alarmiste, The Atlantic se demande si ce n’est pas la démocratie américaine elle-même qui est attaquée lors de ces élections. « Les plaintes sur la suppression d’électeurs se multiplient. Le charcutage électoral disperse le vote latino et noir. Le fait de demander des papiers d’identité avec photo touche de manière disproportionnée les personnes de couleur [11 % des Américains vivent sans carte d’identité ou permis de conduire avec photo]. La démocratie américaine est à la croisée des chemins, et un avenir dans lequel davantage de suppressions deviendront la norme semble hautement probable. »

« Que tous ces obstacles changent ou non le résultat des élections, ils sont en tous les cas révoltants, injustifiés et constituent un gaspillage des ressources des Etats », note aussi Richard L. Hasen, un professeur de droit sur Slate. Le site rappelle néanmoins que la plupart des Etats ont adopté des mesures pour faciliter le vote des Américains : enregistrement automatique sur les listes, possibilité de vote anticipé de plus en plus tôt… Mais au total, estime le Centre Brennan pour la justice, plus de 2 millions de personnes ont perdu leur droit de vote depuis 2013 et vingt trois Etats ont compliqué cette démarche depuis 2010. Parmi eux, six des dix Etats qui comptent la plus forte population noire, qui vote plutôt démocrate.