Le méthamsodium n’est, pour le moment, plus le bienvenu dans les champs français. Le gouvernement a pris un arrêté jeudi 25 octobre, figurant vendredi au Journal officiel, qui suspend jusqu’à la fin de janvier l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant ce pesticide, dans l’attente de travaux réalisés sur le sujet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).

Utilisé notamment dans les cultures maraîchères, comme la mâche, le méthamsodium est pointé du doigt à la suite de l’intoxication de dizaines de personnes ces dernières semaines dans la région d’Angers (Maine-et-Loire).

  • Maine-et-Loire : trois épisodes d’intoxications en quinze jours, ouverture d’une enquête préliminaire

Entre le 28 septembre et le 12 octobre, le département de Maine-et-Loire a connu trois épisodes d’intoxications liées à l’utilisation de pesticides à base de méthamsodium. Le 9 octobre, soixante et une personnes, à Brain-sur-l’Authion, des ouvriers agricoles travaillant dans une pépinière pour la plupart, avaient ainsi été exposées à des produits provoquant des irritations des voies oculaires et respiratoires. Dix-sept personnes avaient été hospitalisées ce jour-là. Quelques jours avant, le proviseur du lycée des métiers de Narcé, dans le même village, avait signalé une odeur particulière dans l’air.

Le pesticide s’était évaporé au contact du sol, anormalement chaud en cet automne. La préfecture, dans un communiqué, avait apporté des précisions à la suite de ces intoxications :

« Sous réserve de confirmation par une enquête approfondie, l’origine de ces intoxications pourrait être l’épandage à proximité d’un produit phytosanitaire, dans le cadre de la production de la pépinière. Le produit visé contiendrait du méthane de sodium, pouvant provoquer des atteintes ORL et pulmonaires. »

Le même scénario s’était reproduit trois jours plus tard à Mazé-Milon, une commune voisine. Le 12 octobre, le préfet Bernard Gonzalez a donc pris un arrêté pour suspendre l’autorisation du méthamsodium en Maine-et-Loire jusqu’au 26 octobre. Suspension qui a ensuite été prolongée jusqu’au 31 décembre. La préfecture a fait savoir que cette mesure était prise notamment en raison de « la mauvaise maîtrise des techniques liées à l’utilisation du méthamsodium et [du] non-respect de la réglementation en vigueur ».

Parallèlement, l’association Sauvegarde de l’Anjou, affiliée à la fédération France nature environnement, a porté plainte contre X pour demander l’identification des personnes responsables du mauvais épandage. Le parquet d’Angers a ouvert une enquête préliminaire « pour faire la lumière sur les conditions d’utilisation de ce produit ».

  • Interdiction au niveau national ; contrôles renforcés dans la région de Nantes

Jeudi, le gouvernement a étendu l’interdiction de l’utilisation de produits contenant du méthamsodium à tout le territoire et jusqu’à la fin de janvier. Une décision a été prise compte tenu des cas d’intoxication et des « doutes sur la possibilité d’utiliser les produits concernés de façon sûre selon les modalités actuellement en vigueur », précise l’arrêté.

Pour les députés de La République en marche des Pays de la Loire, dont l’écologiste Matthieu Orphelin, cette suspension est « une sage décision pour la santé des agriculteurs et des citoyens ». « Il faut maintenant accompagner les acteurs dans le déploiement rapide des alternatives existantes », poursuivent-ils. « C’est lié à des conditions climatiques inédites à cette période de l’année, donc là on a découvert ces incidents et cela a permis de révéler que ce produit était mal utilisé, a souligné M. Orphelin. Ce n’est pas du tout pour jeter le discrédit sur la profession agricole, mais il y a un vrai problème, donc il faut déployer plus vite les alternatives » à l’utilisation du méthamsodium. De son côté, l’Anses a annoncé mercredi le réexamen de l’autorisation des pesticides à base de méthamsodium.

La préfecture de la Loire-Atlantique, voisine du département de Maine-et-Loire, a également annoncé un renforcement des contrôles auprès des maraîchers. « Les deux cents exploitations du département seront contrôlées dans les semaines à venir », a fait savoir la préfecture à l’issue d’une réunion des services de l’Etat convoquée par la préfète Nicole Klein.

L’enjeu est de taille pour la région nantaise, qui représente « 90 % de la production française » de mâche, soit 32 000 tonnes par an, selon Dominique Visonneau, président de la coopérative Océane, qui rassemble une quarantaine de producteurs.

  • Le méthamsodium, « une des substances actives les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement »

Dans le communiqué du gouvernement annonçant la suspension de l’utilisation du méthamsodium, il est mentionné que le méthamsodium « fait partie des substances actives les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement ».

M. Visonneau précise : le méthamsodium « n’est pas un traitement sur la mâche, c’est un traitement du sol ». Il s’agit en effet de nettoyer le sol, au maximum une fois par an, en septembre-octobre, en y enfouissant le produit avant de cultiver. La mâche a la particularité d’être semée directement et non plantée, ce qui rend le désherbage très difficile une fois qu’elle pousse. Une autre technique consiste à stériliser le sol à la vapeur, mais elle requiert « entre 2 500 et 3 000 litres de fioul à l’hectare », dit M. Visonneau, signalant l’augmentation du prix de ce combustible.

Or, pour le député Matthieu Orphelin, « on sait faire de la mâche en agriculture bio sans utilisation de produits aussi dangereux ». Yves Lepage, président de l’association Sauvegarde de l’Anjou, met également en garde contre la dangerosité de ce produit :

« Les conditions pour appliquer le méthamsodium sont nettement plus sévères, donc je considère que le méthamsodium est plus dangereux que le glyphosate. »