Un robot collaboratif sur la chaîne de fabrication de scooters, dans l’usine-école de Saclay (Essonne). / Alice Raybaud via Campus

Bien sûr, en deux années d’ingénierie informatique à CentraleSupélec, Arthur Caillaud avait déjà eu l’occasion de travailler sur des projets concrets. Mais jamais il n’avait jusque-là dû baisser son écran d’ordinateur pour descendre dans l’arène, au plus près des machines et de la chaîne de production qu’il est chargé d’optimiser par un travail de codage.

« Le Monde » organise son Salon des grandes écoles les 10 et 11 novembre

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) aura lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures.

Plus de cent cinquante écoles de commerce, d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées et prépas y seront représentées, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac + 2, + 3 ou + 4). Lycéens, étudiants et parents pourront également assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » pourra également conseiller lycéens, étudiants et parents pour définir leur projet d’orientation, préparer les concours ou rédiger leur CV.

L’entrée en sera gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.

Entre l’usine et l’école, les murs sont tombés à l’Innovation Center for Operations (ICO) de Saclay, dans l’Essonne. Ce centre, lancé en septembre 2016 par un cabinet international de conseil, le Boston Consulting Group (BCG), accueille chaque année près de 120 étudiants en école d’ingénieurs pour qu’ils puissent se frotter aux technologies de l’industrie du futur. Mais les machines ne s’arrêtent pas de tourner quand les étudiants ont quitté ce site, qui s’étend sur 1 200 m2. Une vingtaine de salariés font tourner tous les jours les deux lignes de production, optimisées par des technologies de pointe.

Connectivité et data sont les maîtres mots de cette usine où sont fabriqués scooters, sèche-linge et bonbons – des produits non commercialisés. Car avant d’être un lieu de formation l’ICO est surtout une des vitrines du BCG en France. Ses clients, de grands industriels internationaux mais aussi quelques entreprises alentour, petites et moyennes, de tailles intermédiaires (PME, ETI, etc.), y défilent pour se faire une idée des technologies qui pourraient améliorer la performance de leur usine.

Terrain de jeu pour ingénieurs en herbe

Robots autonomes, impression 3D, réalité augmentée, cybersécurité ou encore big data, chacun pioche ce dont il a besoin dans cette usine aussi vraie que nature. Alors, forcément, l’ICO est un formidable terrain de jeu pour les ingénieurs en herbe. « L’usine 4.0 intègre beaucoup de dimensions de l’ingénierie, indique Renaud Monnet, directeur du Digital Institute à CentraleSupélec, école d’ingénieur partenaire de l’ICO. La confrontation au terrain est indispensable pour que l’étudiant puisse appréhender la complexité d’une usine du futur. »

Au sein du programme « Digital Tech Year », dont les élèves se saisissent pendant leur année de césure, et au cours duquel ils doivent réaliser trois projets en entreprise, Renaud Monnet encourage chaque année entre quatre et dix étudiants à se rendre pendant quelques mois à l’ICO. C’est grâce à ce programme qu’Arthur Caillaud a pu travailler, pendant deux mois, sur les machines du site, dans l’odeur de sirop chauffé de la ligne de production de bonbons.

Avec son binôme – un autre étudiant de CentraleSupélec –, ils se voient confier un cas à résoudre par le BCG : gérer les bonbons qui restent collés lors de l’opération de démoulage. Pour les analyser, les deux apprentis ingénieurs installent sur la chaîne une caméra qui les photographie. Lorsqu’un ou plusieurs bonbons collés sont détectés, une application en informe un opérateur qui peut intervenir.

« Auparavant, l’ouvrier restait en bout de chaîne pour observer. Désormais, il pourra vaquer à d’autres occupations », indique l’étudiant de 22 ans. De ces deux mois, il ressort fort d’une expérience des rapports avec un cabinet de conseil (le BCG) et, surtout, d’avoir pu « mettre la main à la pâte ».

Confronter les étudiants au réel

Se rendre dans l’usine, comprendre les attentes des ouvriers, modifier son application en conséquence : une véritable confrontation au terrain qui manque souvent à la formation des jeunes ingénieurs, selon Moundir Rachidi, fondateur et directeur de l’ICO. « Ce qui est inquiétant c’est que, avec la favorisation de l’enseignement théorique en France, les étudiants n’ont souvent pas même un début de vision de la réalité du terrain ; ils sont en complète découverte quand ils arrivent », pointe-t-il.

Un constat que Renaud Monnet entend nuancer : « A l’ICO, les étudiants ont un contact inédit avec une infrastructure physique. Mais ils sont encouragés à se plonger dans le monde réel tout au long de leur cursus à CentraleSupélec. » La preuve en est, selon lui, dans ce cursus lancé en 2018 où la moitié du temps de formation est, dès la première année, consacrée à la résolution de cas concrets dans des entreprises.

Le modèle de l’ICO est voué à être répliqué, sous la préconisation d’un rapport de l’Institut Montaigne, rédigé en collaboration avec le BCG. En septembre, le premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé le lancement en région d’une vingtaine de centres de ce type, où tous les acteurs d’un territoire (PME, ETI, universités, etc.) seront mis en relation pour penser et déployer l’industrie 4.0. « Cela dépasse l’enjeu de la formation : ces centres sont un levier essentiel de la réindustrialisation, assure M. Rachidi. Mais pour que ce levier soit activé, il faut des forces vives avec des compétences adaptées et donc il faut les former. »

Le BCG poursuit cet engagement dans dix usines-écoles dans le monde (Chine, Etats-Unis, Allemagne, etc.), dont une deuxième en France, à Strasbourg. Le cabinet s’est associé en mai avec l’université alsacienne Unistra pour apporter son expertise au centre European Aseptic and Sterile Environment (EASE), conçu comme un véritable centre industriel pharmaceutique de 4 300 m². Et l’ambition du groupe de Boston ne s’arrête pas là, en termes de formation. Prochaine étape : transformer ces usines-écoles en centres d’incubation de start-up, portés par les étudiants eux-mêmes.