« Red Dead Redemption 2 » a reçu des éloges quasi unanimes de la presse, mais tous les joueurs n’adhèrent pas au parti pris atypique de cette aventure. / Rockstar

La phrase a déjà fait le tour d’Internet, au moins dans la sphère des amateurs de jeu vidéo : « Si vous faites volontairement l’impasse sur Red Dead Redemption 2, soit vous n’êtes pas un gameur, soit vous êtes dans le coma. » Signée du magazine américain Electronic Gaming Monthly, elle est révélatrice de la réception critique unanime qu’a reçue la superproduction de Red Dead Redemption 2, sortie le 26 octobre, et des interrogations qu’elle a pu susciter.

Sur Metacritic, l’agrégateur de notes qui sert de référent dans l’industrie, en dépit de l’obscurité de ses algorithmes, la simulation de western en monde ouvert émarge à 97/100 sur PlayStation 4, ce qui le situe d’ores et déjà dans le top 10 des jeux les mieux notés de ces vingt dernières années, à deux unités de The Legend of Zelda : Ocarina of Time (99, en 1998).

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Durée : 01:16:53

« Là-haut, parmi les constellations »

Du prestigieux The Guardian, qui y voit « un jeu jalon », au site français Gameblog.fr, qui évoque « le meilleur jeu d’action et d’aventure en monde ouvert jamais conçu », en passant par l’influent magazine américain Game Informer, qui parle de « triomphe technique que tout joueur devrait essayer », le titre a récolté plus de 45 notes maximales en 78 critiques référencées. En France, JeuxActu, qui a été parmi les premiers à publier son test, lui a même accordé un fiévreux 21/20. Son texte débute par une déclaration d’amour aux fondateurs du studio, les frères Houser :

Dan et Sam Houser ont été visionnaires en choisissant le nom de leur studio : aujourd’hui, les rockstars du jeu vidéo, c’est bien eux. Ils se trouvent tout là-haut, parmi les constellations, à un niveau que même les grands noms de l’industrie ne pourront probablement jamais atteindre.

Il faut fouiller dans les tréfonds de Metacritic pour trouver dans la presse une note dissonante : celle du site culturel américain Slant, qui se contente d’un 3,5/5, estimant que tout en améliorant la recette du monde ouvert, l’expérience de western que propose Red Dead Redemption 2 se dilue dans une aventure trop longue et à la prise en main archaïque.

Néanmoins, tous les médias n’ont pas encore été en mesure de publier une critique, Rockstar Games ayant sélectionné certaines publications pour leur envoyer une version en amont. Le site français Gamekult, réputé très critique, ne publiera son test que mardi 30 octobre après s’être procuré lui-même le jeu, comme l’explique son rédacteur en chef, Thomas Cusseau : « On a suffisamment d’expérience pour avoir notre propre opinion. […] C’est aussi une manière pour nous de partager notre avis, peut-être de nous faire l’écho de certains mécontentements. »

Un quart d’évaluations négatives sur Metacritic

Car loin de l’unanimité des premières notes, chez les joueurs, le sentiment semble partagé. Toujours sur Metacritic, Red Dead Redemption 2 émarge à 7,5/10 en notes utilisateurs, et même 6,8/10 sur Xbox One avec une majorité de 10/10, mais également un quart d’évaluations négatives. « La vedette ici, c’est le monde ouvert. Tout le reste est si quelconque, basique et ennuyeux », s’agace ainsi un utilisateur enregistré sous le pseudonyme de Stinky_Winky. « Pas grand-chose d’autre à faire que ce qu’on a déjà fait dans un jeu Rockstar un million de fois avant. Le jeu tourne mal, avec des chutes de fréquence d’images et des contrôles lourdauds », critique Cheesie_Wotsit. « La carte est trop grande pour son propre bien, vu qu’il y a trop d’endroits vides avec rien à voir ni à faire », juge Multipleman.

Sur Metacritic, tout en restant globalement positives, les notes des joueurs sont bien moins dithyrambiques que celles de la presse. / Capture d'écran

Bien sûr, il faut prendre avec recul les nombreux zéros attribués, parfois de pure mauvaise foi (comme cet internaute reprochant au jeu de ne pas être Super Smash Bros. Melee, un jeu Nintendo). Néanmoins, la plupart des critiques disent quelque chose de l’impression que le jeu a pu être surnoté par la presse spécialisée.

Expérience inhabituellement contemplative

Quelles en sont les raisons ? Techniquement d’abord, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Alors que la presse spécialisée est largement équipée en Xbox One X, la console la plus puissante du marché et celle sur laquelle tourne la version la plus optimisée du jeu, c’est la PlayStation 4 qui est la plus répandue dans les foyers. Elle fait tourner une version de Red Dead Redemption 2 moins impressionnante, voire qui rame assez régulièrement, selon nos constatations.

Manette en main, la lourdeur et la raideur des contrôles, la lenteur générale de l’aventure, et même l’ennui suscité sont souvent pointés. Il est vrai qu’on s’y balade à cheval davantage qu’on y attaque des diligences, et que l’hystérie urbaine d’un Grand Theft Auto V, le précédent succès de Rockstar, laisse ici sa place à l’errance solitaire, à la simulation de survie et à la randonnée équestre. Ce n’est pas que Red Dead Redemption 2 soit mauvais, mais cette expérience inhabituellement contemplative ne semble pas conçue pour plaire à tout le monde.

Le précédent « GTA IV »

Faut-il donc être un « vrai joueur » pour apprécier Red Dead Redemption 2 ? Ce week-end, l’élitisme affiché par Electronic Gaming Monthly a rapidement été tourné en dérision sur Twitter. « Si vous ne pouvez pas finir d’une traite Ikaruga [un jeu de tir de niche abominablement exigeant] sur deux contrôleurs en même temps, soit vous n’êtes pas un vrai gameur soit vous êtes dans le coma, » a ironisé un internaute.

Sur le fond, de nombreux joueurs ont avancé des raisons de faire l’impasse sur le jeu. Parce qu’il n’est pas disponible sur PC, au grand dam des pécéistes mis de côté. Parce que Rockstar a été épinglé pour ses conditions de travail éreintantes par plusieurs enquêtes au mois d’octobre, et que certains consommateurs ont décidé de boycotter cette sortie. Ou encore, tout simplement, parce que tout le monde n’est pas forcément attiré par les mêmes genres de jeu, ni par le style Rockstar.

Le label, très prisé pour la qualité d’écriture et la permissivité de ses univers, a également ses détracteurs, qui jugent régulièrement ses jeux très convenus dans leurs missions et raides dans ses contrôles. En 2008 déjà, Grand Theft Auto IV récoltait 98/100 dans la presse pour 7,5/10 de note utilisateurs, avec un quart d’évaluations négatives.