Les soutiens de Ranil Wickremesinghe se sont rassemblés, mardi 30 octobre à Colombo. / ISHARA S. KODIKARA / AFP

Le Sri Lanka s’enfonce dans une grave crise politique depuis le limogeage, vendredi 26 octobre, du premier ministre Ranil Wickremesinghe par le président Maithripala Sirisena. Le chef du gouvernement sortant, qui s’accroche à son siège, a reçu le soutien mardi de plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui dénoncent un « coup antidémocratique ».

Entre 25 000, selon la police, et 100 000 personnes, selon le United National Party (UNP) parti de M. Wickremesinghe, se sont rassemblées devant sa résidence, où il vit retranché depuis le début de la crise politique, paralysant des axes routiers clés de la ville. Le rassemblement s’est dispersé en début de soirée sans que des incidents violents n’aient été signalés.

M. Wickremesinghe, qui estime que son renvoi est anticonstitutionnel, a été remplacé par Mahinda Rajapakse, l’ex-président (2005-2015) du Sri Lanka. Ce dernier, accusé de corruption et de violation des droits de l’homme, a d’ores et déjà annoncé une partie de son gouvernement.

Dimanche, deux jours après cette nomination surprise, M. Sirisena a justifié sa décision au cours d’une longue déclaration retransmise à la télévision, dans laquelle il accuse un ministre du précédent gouvernement d’avoir préparé une tentative d’assassinat le visant. Il reproche également au chef du gouvernement sortant d’avoir pris des « décisions individuelles » sans le concerter et d’avoir laissé prospérer la « fraude et la corruption » dans le pays.
Le président et le premier ministre sortant, qui s’étaient alliés en 2015 pour évincer M. Rajapakse, ont notamment des divergences sur la politique économique et les tensions entre eux étaient montées d’un cran à un an de la prochaine élection présidentielle, où tous deux envisagent d’être candidats.

« Coup d’Etat constitutionnel »

Mais M. Wickremesinghe réclame une session d’urgence du Parlement, suspendu par le président jusqu’au 16 novembre, pour prouver qu’il détient toujours la majorité. « Nous sommes contre le limogeage, les gens n’ont pas voté pour que Sirisena se comporte de cette manière, a lancé à ses soutiens M. Wickremesinghe depuis un podium improvisé. Nous résisterons à ce qu’a fait le président. »

La foule de vert vêtue, la couleur de l’UNP, a également déchiré des effigies du président Sirisena et chanté « A bas le premier ministre voyou » en protestation à ce que de nombreux journaux locaux ont qualifié de « coup d’Etat constitutionnel ». Cette crise est aussi celle du système politique sri-lankais, à mi-chemin entre régime parlementaire et régime présidentiel. Le premier ministre sortant a reçu le soutien du président du Parlement, Karu Jayasuriya, qui est également issu de l’UNP. Dans une lettre écrite au président, il dit redouter un « bain de sang » si les députés ne sont pas consultés pour trancher.

« Si vous ne le faites pas, nous ne pourrons empêcher le peuple de recourir à des moyens alternatifs pour protéger leurs droits démocratiques. Au nom de la démocratie, je vous enjoins de reconsidérer votre position de proroger le Parlement et autoriser que justice soit faite. »