Des membres de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar, en février 2018. / ABDULLAH DOMA / AFP

Au moins cinq personnes, dont trois civils, ont été tuées, lundi 29 octobre, et dix autres enlevées dans la région d’Al-Joufra, dans le centre de la Libye, lors d’une attaque revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources locales et militaires.

La région est contrôlée depuis plus d’un an par les forces du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’est libyen et bête noire des islamistes, qui dirige l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL).

Dans un communiqué relayé par le centre américain de surveillance des sites djihadistes SITE, l’EI a indiqué avoir pris le contrôle pendant plusieurs heures du village d’Al-Fuqaha (situé à plus de 800 km au sud de la capitale, Tripoli), et a revendiqué une attaque suicide contre des membres de l’ANL. Il dit avoir pris d’assaut un poste de police et des maisons à la recherche de d’« apostats » appartenant à l’armée et à la police, ainsi que d’espions, « ce qui a permis d’arrêter un grand nombre de personnes recherchées ».

Deux exécutions publiques

Le porte-parole de l’ANL, le général Ahmed Al-Mesmari, a communiqué à l’AFP un bilan s’établissant à cinq morts, dont trois civils, un militaire blessé et « dix disparus, probablement enlevés ». Il a précisé que des forces de l’ANL s’étaient dirigées vers la région après l’attaque, mais que les membres de l’EI avaient fui en direction du sud, tuant la cinquième victime et faisant un blessé, sur un barrage de sécurité.

Ismaïl al-Chérif, député d’Al-Joufra, a, lui, fait état de cinq civils décapités par des membres de l’EI, qui ont lancé l’attaque avec vingt-cinq véhicules, a-t-il indiqué à l’AFP. Les assaillants ont incendié les postes de police et les bâtiments publics d’Al-Fuqaha, a-t-il précisé.

La mission de l’ONU en Libye (Manul) a « condamné fermement l’attaque meurtrière », évoquant « quatre civils tués – dont deux exécutés en public » et indiquant dans son communiqué qu’au moins neuf personnes avaient été enlevées. « Profondément préoccupée par la situation de plus en plus fragile en matière de sécurité », elle appelle les Libyens « à laisser leurs différends de côté et à coopérer afin de faire face à la menace terroriste qui menace la stabilité et la sécurité de leur pays ».

Insécurité chronique

Selon le député Ismaïl Al-Chérif et un membre du conseil municipal d’al-Joufra, Abdellatif Jalala, cette attaque aurait été menée en représailles à l’arrestation, mi-octobre, de membres présumés de l’EI dans le village d’al-Fuqaha.

La région est régulièrement le théâtre d’attaques attribuées à des djihadistes. La dernière revendiquée par l’EI, en août 2017, avait fait onze morts, dont neuf membres de l’ANL.

Déchirée par des luttes de pouvoir et minée par une insécurité chronique, la Libye était devenue un repaire pour les djihadistes après la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. L’EI avait profité du chaos pour s’implanter dans la ville de Syrte en juin 2015, mais les forces loyales au gouvernement d’union nationale (GNA, soutenu par l’ONU et installé à Tripoli) ont repris le contrôle de la cité en décembre 2016, après huit mois de combats meurtriers.

Depuis, plusieurs djihadistes se sont repliés vers le désert, d’où ils tentent de se réorganiser. Le 11 septembre, l’EI a revendiqué une attaque suicide commise contre le siège de la Compagnie nationale libyenne de pétrole (NOC), au cœur de Tripoli, qui a fait deux morts et dix blessés. Quatre mois plus tôt, le groupe avait également revendiqué un attentat contre la Haute Commission électorale à Tripoli, qui avait fait quatorze morts.