Charles Wesco entouré de sa femme, Stephanie, et de leurs enfants. Le missionnaire américain a été tué le 30 octobre 2018 dans la région anglophone du Nord-Ouest, au Cameroun. / AP

Le missionnaire américain tué par balle, mardi, dans l’une des régions anglophones du Cameroun, en proie à un violent conflit entre des combattants séparatistes et l’armée, a été la cible de « terroristes » lors d’une tentative d’attaque contre une brigade de gendarmerie et une zone universitaire, a affirmé, mercredi 31 octobre, le ministre camerounais de la défense, Joseph Beti Assomo. Sur les réseaux sociaux, plusieurs séparatistes ont quant à eux imputé la responsabilité de la mort de Charles Wesco à l’armée camerounaise.

L’Américain, âgé de 44 ans, se trouvait à bord de son véhicule en compagnie de son épouse, de l’un de ses fils et de son chauffeur lorsqu’il « a essuyé [mardi matin] un tir en provenance des terroristes embusqués », a écrit M. Beti Assomo dans un communiqué lu à la radio d’Etat. « Touché à la tempe, il [a été] évacué dans un premier temps dans un centre de santé, puis transféré à l’hôpital régional de Bamenda où il a succombé à ses blessures », a-t-il ajouté. « Une enquête approfondie a été immédiatement ouverte autour de ce regrettable incident », a assuré le ministre.

« Mon cher mari, Charles, est désormais avec le Sauveur qu’il a adoré et fidèlement servi pendant de nombreuses années », a posté sur Facebook Stéphanie Wesco, la femme du missionnaire décédé, ajoutant : « Je veux me réveiller d’un horrible cauchemar. » M. Wesco était le frère d’un élu local de l’Indiana. « Janet et moi pensons [à] Tim Wesco et à sa famille qui pleurent la mort de son frère Charles », a indiqué Eric Holcomb, gouverneur de cet Etat américain.

Un étudiant et un militaire blessés

L’« incident » s’est produit à Bambui, à 14 km de Bamenda, capitale de la région anglophone du Nord-Ouest, alors qu’un « groupe de terroristes armés » avait investi les lieux « en vue d’attaquer la zone universitaire et la brigade territoriale de gendarmerie de Tubah », l’arrondissement où se trouve Bambui, selon M. Beti Assomo.

« Immédiatement poursuivis par les forces de défense et de sécurité, les terroristes armés [ont riposté] par des tirs, ce qui [a provoqué] un affrontement entre eux et les forces positionnées autour de l’université de Bamenda », a détaillé le ministre. « Le bilan fait état de quatre terroristes neutralisés, de plusieurs blessés dans leurs rangs et de quatre fusils de calibre 12 récupérés », a-t-il précisé, soulignant qu’un étudiant et un militaire avaient également été blessés lors des échanges de tirs.

Dans son communiqué, M. Beti Assomo a demandé « aux ressortissants étrangers dont la présence serait véritablement indispensable [en zone anglophone] de signaler aux autorités administratives et aux forces de défense et de sécurité leurs mouvements dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en raison des menées de groupes terroristes et bandes armées qui y sont régulièrement enregistrés ».

Bandes armées

Une crise sociopolitique sans précédent s’est installée fin 2016 dans les deux régions anglophones camerounaises. Elle s’est transformée fin 2017 en un conflit armé. Des affrontements entre l’armée et des séparatistes, regroupés en groupes épars dans la forêt équatoriale, se produisent quasiment tous les jours dans la zone depuis plusieurs mois.

Jeudi, un enseignant de l’université de Bamenda avait été tué dans la même localité de Bambui. Des collègues de la victime contactés par l’AFP avaient estimé que son « assassinat » portait « la signature des Amba Boys », les séparatistes.

Selon des sources concordantes, aux séparatistes armés se sont ajoutées des bandes armées de bandits et de pillards, qui rackettent la population et les entreprises.

Yaoundé, qui refuse le dialogue avec les séparatistes, qualifiés de « terroristes », a procédé depuis le début de l’année à un important déploiement de forces pour « rétablir l’ordre ». Plus de 175 membres des forces camerounaises de défense et sécurité ont perdu la vie dans ce conflit, ainsi que plus de 400 civils, selon les ONG. Dans la zone, plus de 300 000 personnes ont fui les violences, se réfugiant pour la grande majorité en brousse ou dans les grandes villes des régions voisines, et pour certaines au Nigeria voisin.

Dans les deux régions anglophones, le taux de participation à la présidentielle du 7 octobre a été très faible (5 % dans le Nord-Ouest et 15 % dans le Sud-Ouest), mais le président Paul Biya a obtenu dans chacune plus de deux tiers des suffrages exprimés. Au pouvoir depuis 1982, M. Biya, 85 ans, a été réélu pour un septième mandat avec 71,28 % des voix.

La crise anglophone au Cameroun en trois questions
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