Mike Pompeo, le 23 octobre à Washington. / CATHAL MCNAUGHTON / REUTERS

Fragilisé par l’affaire Khashoggi, le journaliste saoudien tué le 2 octobre dans l’enceinte du consulat saoudien à Istanbul en Turquie, Riyad fait l’objet de pressions accrues de ses partenaires occidentaux pour mettre un terme à son offensive contre les rebelles houthistes au Yémen. Alors qu’aucune solution militaire ne se profile, trois ans et demi après le début de l’intervention de la coalition arabe emmenée par l’Arabie saoudite en soutien aux forces progouvernementales, et que l’embarras est croissant dans les capitales occidentales qui fournissent des armes au royaume, les appels se sont multipliés, mardi 30 octobre, à faire cesser les hostilités et à engager des négociations de paix sous l’égide des Nations unies.

Tranchant avec la position que défendait jusqu’à présent l’administration américaine, principal soutien militaire occidental de la coalition arabe et fournisseur d’armes au royaume, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a estimé, dans un communiqué publié mardi, que le « moment est venu de mettre fin aux hostilités ». En septembre, lors du débat au Congrès sur la poursuite des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, le chef de la diplomatie américaine avait lui-même certifié que la coalition menée par Riyad veillait à réduire les pertes civiles au Yémen, en dépit des multiples bavures et accusations de crimes de guerre visant l’aviation saoudienne, qui mène des bombardements réguliers en territoire houthiste.

Mardi, Mike Pompeo a exhorté la coalition saoudienne à stopper les bombardements contre les zones peuplées du Yémen, et aux rebelles houthistes, soutenus par l’Iran, de ne plus lancer de missiles contre l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Un même appel avait été adressé plus tôt dans la journée par le ministre de la défense américain. Lors d’un forum organisé à Washington, James Mattis a exhorté les belligérants à cesser les hostilités et ouvrir des négociations de paix « d’ici 30 jours ». « Je pense que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont prêts », a ajouté le chef du Pentagone qui a rencontré plusieurs dirigeants arabes le week-end dernier en marge du « Dialogue de Manama », une conférence sur la sécurité organisée chaque année à Bahrein.

« Arrêt des bombardements »

Le cessez-le-feu doit être basé sur un retrait des rebelles houthistes de la frontière avec l’Arabie saoudite, « puis un arrêt des bombardements » de la coalition arabe, dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les Etats-Unis, a-t-il précisé. L’arrêt des hostilités permettra à l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, le Britannique Martin Griffiths, de « réunir » les différentes parties « en Suède », a poursuivi M. Mattis, sans préciser où exactement se tiendrait cette réunion ni qui l’organiserait. Ce dernier avait déclaré espérer la reprise d’ici le mois de novembre de consultations auprès des deux camps, après l’échec de pourparlers de paix début septembre.

Mardi matin, invitée de BFM-TV, la ministre des armées française, Florence Parly, a également rompu avec la position de prudence de la France, estimant que l’intervention de la coalition emmenée par le royaume saoudien contre les rebelles houthistes au Yémen était « sans issue ». « Il est plus que temps [qu’elle cesse] », a-t-elle déclaré. Vendredi, le président français, Emmanuel Macron, s’était borné, lors d’une conférence de presse, à rappeler que Paris avait « demandé des gages et de la clarté sur le conflit au Yémen, où nous sommes très attachés aux règles humanitaires ».

Un enfant yéménite souffrant de malnutrition sèvère, le 18 octobre dans une clinique d’Aslam, au Yémen. / TYLER HICKS/The New York Times/REAREA

Mme Parly a rappelé que la guerre voulue par le tout-puissant prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman est à l’origine d’une « crise humanitaire comme on n’en a jamais vue ». Alors que le conflit a fait des milliers de morts – jusqu’à 50 000, selon une estimation de l’organisation indépendante Acled, entre janvier 2016 et septembre 2018 –, des millions de Yéménites sont confrontés à ce que les Nations unies ont qualifié de plus grave crise humanitaire au monde.

« La crise alimentaire au Yémen est directement liée au conflit » qui sévit dans le pays, indiquait Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires dans une note interne datant du 18 octobre et consultée par l’Agence France-Presse. « La situation humanitaire au Yémen est la pire au monde : 75 % de la population, soit 22 millions de personnes, a besoin d’une aide et de protection, dont 8,4 millions sont en situation d’insécurité alimentaire grave et dépendent d’un apport en nourriture urgent. »