Elle n’a pas l’air, comme ça, ­Marion Siéfert, longue liane brune et gracieuse, tête bien faite et tête bien pleine, mais elle est gonflée. Ne pas trop se fier à sa douceur, son calme apparent. Quand elle était petite, dans son enfance traversée par le théâtre, elle s’est passionnée pour les sorcières. Vingt ans plus tard, à 31 ans, elle signe son deuxième spectacle, Le Grand Sommeil, qui plonge dans la face cachée de l’enfance, avec ses fantasmes, ses peurs, son anarchie, sa cruauté, son rapport au corps et même, oui, son obscénité.

« J’ai toujours voulu écrire, jouer, raconter des histoires, mais très vite, j’ai été heurtée par les rôles féminins dans le théâtre classique. » La jeune femme fait des études littéraires brillantes, découvre la littérature et la poésie allemandes, qui l’ont « beaucoup marquée », et part à Berlin, au tournant de l’année 2010. « Là, j’ai vu tout ce que l’on pouvait voir à l’époque, une autre vision du théâtre, beaucoup plus performative, avec des femmes fortes, qui prenaient la parole, comme celles du collectif She She Pop, l’actrice Sophie Rois ou la metteuse en scène Monika Gintersdorfer. »

Fantômette des années 2.0

Marion Siéfert va se former à l’Institut théâtral de Giessen, une école qui a peu à voir avec les conservatoires français. « Le travail y est très libre, très axé sur la création contemporaine, à la fois théorique et pratique. Là-bas, je n’ai plus été stigmatisée comme “intello”, et je n’ai plus eu besoin de cacher que j’avais fait de la philosophie, de la musicologie et de la littérature allemande. »

C’est à Giessen que Marion Siéfert crée son premier spectacle, un objet scénique déjà très culotté, qui s’appelle Deux ou trois choses que je sais de vous, tourne en France pendant la saison 2018-2019, et où, vêtue comme une sorte de ­Fantômette des années 2.0, elle joue, via Facebook, avec la vie privée de ses spectateurs. Pour Le Grand Sommeil, elle a travaillé, au fil de longues improvisations, avec sa cousine Jeanne, qui avait alors 11 ans, avec le désir de « libérer une énergie explosive et drôle ». Sur scène, Jeanne est incarnée par l’étonnante danseuse-performeuse Helena de Laurens. Et ce n’est pas triste.

Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Festival d’automne à Paris.