Un électeur à la sortie d’un bureau où le vote anticipé est possible, à Nashville, dans le Tennessee, mardi 30 octobre. / Drew Angerer / AFP

C’est l’un des enjeux majeurs de chaque élection américaine : le taux de participation. Lors des élections de mi-mandat de 2014, il était de 36,7 %, le plus faible depuis 1942. A titre de comparaison, le taux de participation à l’élection présidentielle de 2016 s’est établi à près de 60 %, rapporte le United States Elections Project, mené par l’université de Floride, qui fournit des statistiques et des informations sur le système électoral des Etats-Unis.

Mais cette année, les élections de mi-mandat, qui se tiennent le 6 novembre, s’apparentent à un référendum pour ou contre le président Donald Trump : 37 % disent que leur vote sera « contre » le président et 23 % « pour » lui, écrit le Pew Research Center. Le président ne s’y est pas trompé. A Southaven, dans le Mississippi, le 2 octobre, il a exhorté ses sympathisants à se rendre aux urnes :

« Les républicains doivent se bouger et aller voter. Si j’étais sur le bulletin de vote, tout le monde irait. Ce serait un raz-de-marée électoral. Je n’y suis pas, mais j’y suis tout de même parce que c’est aussi un référendum à propos de moi et de l’impasse déplorable dans laquelle [les démocrates] vont précipiter ce pays [en cas de victoire]. »

Si les Américains votent officiellement le 6 novembre, dans 34 Etats et le district de Columbia, ils ont commencé à voter par anticipation – entre quatre et cinquante jours avant l’Election Day –, par correspondance ou en personne. Cette pratique est censée faciliter la vie des électeurs, et leur éviter l’attente dans les bureaux de vote, notamment.

Le vote par anticipation constituait la règle, de la fondation des Etats-Unis jusqu’au 23 janvier 1845, date à laquelle il fut décidé que l’élection se tiendrait le mardi suivant le premier lundi de novembre. Les militaires se virent accorder une dérogation : en temps de guerre, ils peuvent voter par anticipation, comme pendant la guerre de Sécession. Depuis, ce droit s’est étendu à tous, explique Michael McDonald, professeur de sciences politiques, qui coordonne le United States Elections Project de l’université de Floride.

Jusqu’à un tiers des électeurs

Le phénomène a pris de l’ampleur, rapporte Vox : en 1980, seuls 4 millions d’Américains avaient voté par anticipation ; en 2016, ils étaient 47 millions à l’avoir fait, selon le United States Elections Project, soit près d’un tiers des électeurs.

En 2008, Barack Obama a pris une avance décisive sur John McCain au cours du vote anticipé, notamment en Floride, où le candidat démocrate a perdu parmi les électeurs qui ont voté le jour du scrutin, le 4 novembre, mais l’a emporté lorsque les votes anticipés ont été décomptés. Pour éviter que le scénario ne se reproduise, des Etats comme la Floride, la Géorgie et le Tennessee ont tenté de limiter le vote anticipé pour les élections de 2012. D’autres, comme l’Ohio et le Nebraska, ont suivi en 2016 ; la Caroline du Nord cette année. Mais d’autres Etats – le Massachusetts, le Maryland et l’Oklahoma – ne le restreignent pas.

Plus de votes anticipés qu’en 2014

A quelques jours du scrutin, le taux de participation du vote anticipé dans 24 Etats a cette année dépassé celui de 2014, relève Michael McDonald, avec 28 millions de bulletins déjà déposés. Dans le Washington Post, il avance que cette participation accrue reflète un regain d’intérêt chez les démocrates, qui ne se sont pas mobilisés en masse en 2014, permettant aux républicains de prendre le contrôle du Sénat et d’élargir leur contrôle à la Chambre des représentants. Mais les données relevées par le chercheur montrent aussi une forte mobilisation chez les électeurs républicains, ce qui laisse entrevoir des élections beaucoup plus serrées que ne le suggèrent les sondages, notamment pour les élections au Sénat, en Floride, dans le Missouri, le Nevada ou l’Arizona.

Selon NBC, les électeurs républicains en Arizona, en Floride, en Géorgie, dans l’Indiana, le Montana, le Tennessee et le Texas se seraient plus mobilisés que les électeurs démocrates. Dans le Nevada, les électeurs démocrates sont plus mobilisés. Michael McDonald détaille dans le Washington Post que 192 000 électeurs démocrates y ont voté par anticipation, 180 000 électeurs républicains, ainsi que 90 000 électeurs se déclarant sans affiliation. En revanche, en Floride, 3,4 millions d’électeurs ont voté par anticipation (contre 3,2 millions en 2014), les républicains étant plus mobilisés (820 000 bulletins) que les démocrates (755 000), ce qui devrait inquiéter les démocrates.

Interprétation prudente

Michael McDonald estime que ce sursaut de civisme pourrait favoriser les démocrates dans les Etats où il n’y a pas d’élection au Sénat, comme dans l’Iowa, la Caroline du Nord ou le Maryland en raison, notamment, de l’impopularité du président Trump. Mais depuis l’élection de 2016, où les premiers résultats du vote anticipé semblaient conforter les chances de Hillary Clinton, les commentateurs s’efforcent d’interpréter ces votes avec prudence.

Outre la Floride et le Nevada, les Etats où le nombre d’électeurs ayant voté par anticipation a surpassé celui observé en 2014 sont le Delaware, la Géorgie, l’Indiana, la Louisiane, le Maryland, le Minnesota, le Montana, le Nouveau-Mexique, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, le Tennessee, le Texas, la Virginie, le Wisconsin et la Virginie-Occidentale.

Dans la dernière ligne droite, mardi, l’organisation School Walkout, associée à d’autres associations qui luttent contre la violence liée aux armes à feu, veut inciter les jeunes en âge de voter à sortir de leurs lycées et des universités pour aller le faire dans le cadre d’une campagne intitulée #WalkoutToVote.