Les funérailles de Vichai Srivaddhanaprabha, propriétaire de Leicester, débuteront samedi 3 novembre à Bangkok. / PAUL ELLIS / AFP

La mort à 60 ans du milliardaire thaïlandais Vichai Srivaddhanaprabha, tué dans l’accident de son hélicoptère le 27 octobre près du stade de football de Leicester, en Grande-Bretagne, jette une ombre sur l’avenir d’un remarquable et spectaculaire succès d’entreprise. Après avoir ouvert en 1989 un premier magasin hors taxe au centre de Bangkok, le PDG du groupe King Power, dont les funérailles commencent samedi 3 novembre, était devenu en moins de vingt ans la cinquième fortune du royaume, selon le décompte du magazine Forbes.

En 2006, sa modeste boutique « duty free » se métamorphosa en un véritable empire quand il parvint à arracher, notamment grâce à ses contacts au palais royal, le monopole des magasins hors taxe dans le nouvel aéroport Suvarnabhumi de Bangkok. Qui voit désormais passer une soixantaine de millions de passagers l’an alors que le tourisme est en plein essor au pays du Sourire…

Aujourd’hui l’empire de feu Vichai pèse environ 4, 5 milliards d’euros. Le groupe possède les hotels Pullman du groupe français Accord en Thaïlande et des parts substantielles de l’une des plus importantes compagnies lowcost du pays, Thai Air Asia.

Devenu célèbre après le rachat du Leicester City

Le défunt roi Bhumibol Adulyadej avait su récompenser les talents d’un businessman bien introduit, discret et refusant obstinément de se livrer au moindre commentaire politique dans une nation divisée : en 2012, le souverain lui avait attribué son nom actuel : né Vichai Raksriaksorn, le magnat devint alors Srivaddhanaprabha, ce qui signifie « lumière de la gloire ascendante »…

Ce quasi-inconnu chez les Thaïlandais, qui connaissaient à peine le nom du groupe, était devenu célèbre dans son pays après avoir racheté le club de football anglais Leicester City, qui a remporté le titre de la Premier League il y a deux ans. Dans une nation passionnée par le ballon rond, mais dont les équipes locales restent cantonnées à un modeste niveau, les supporters en sont réduits à se passionner pour les victoires des grandes équipes mondiales. Le succès du club de Leicester avait ainsi résonné comme une victoire indirecte de la Thaïlande…

A Leicester, après quelques réticences initiales, il était devenu très populaire parmi les fans : « Khun » (monsieur) Vichai avait l’habitude d’offrir de la bière thaie Singha gratuite et des hotdogs les jours de victoire. Le destin aura voulu que c’est en redécollant de son fief anglais que le tycoon a trouvé la mort.

Quelle évolution pour le groupe ?

Après le décès brutal du « roi » du King Power, les milieux économiques de Bangkok se demandent comment le groupe va évoluer, alors que le monopole de ce dernier sur l’aéroport Suvarnabhumi arrive à expiration en 2020. Le plus jeune fils de Vichai, Aiyawatt (surnommé « Top »), 32 ans, qui était déjà chief executive officer du groupe familial, a déjà assuré qu’il assumait son rôle d’héritier en titre : « Mon père m’a laissé le soin de poursuivre son œuvre et je ferai tout mon possible pour prolonger ses grandes visions et ses rêves », a déclaré le nouveau patron. La mère de « Top » est l’une des vice-présidentes du groupe ; que son frère et ses deux sœurs sont tous membres du conseil d’administration.

Reste à savoir si les successeurs du « roi » Vichai seront à la hauteur du fondateur dans un monde thaïlandais où les contacts personnels et la négociation en coulisse sont des atouts essentiels : comme l’avance Somchai Phagaphasvivat, spécialiste de sciences politiques à l’université Thammasat de Bangkok : « A ce sujet, je me demande si ses enfants auront suffisamment d’influence. »