Mathurin Derel / AP

La victoire est nette, mais certainement pas aussi large que ne l’avaient espéré les partisans du non à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Dimanche 4 novembre, ils ont obtenu 56,4 % des suffrages exprimés (78 361 voix) contre 43,6 % (60 573 voix) en faveur de l’accession à la pleine souveraineté. L’autre enseignement majeur de ce scrutin est la participation historique pour un scrutin de cette nature : 80,6 % des électeurs inscrits ont pris part au vote. Celle-ci avait été de 74,2 % lors de la consultation sur l’approbation de l’accord de Nouméa de 1998.

Lors d’une intervention télévisée enregistrée, Emmanuel Macron a salué ce résultat comme « une marque de confiance en la République » et a exprimé sa « fierté que la majorité des Calédoniens aient choisi la France ». « Le seul vainqueur, c’est le processus en faveur de la paix qui porte la Nouvelle-Calédonie depuis trente ans, c’est l’esprit de dialogue », a affirmé le président de la République, qui a invité « chacun à se tourner vers l’avenir ». « Il n’y a pas d’autre chemin que celui du dialogue », a plaidé M. Macron.

Le premier ministre, Edouard Philippe, devait arriver lundi matin sur le territoire pour rencontrer les responsables des principales forces politiques et engager un processus de discussion sur l’après-référendum.

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Des clivages politiques flagrants

Le résultat de ce scrutin n’en met pas moins en évidence les profonds clivages politiques et sociologiques qui fracturent la société calédonienne. Dans la province sud, où se concentrent l’essentiel de la population et des richesses, avec des inégalités très marquées, le non recueille 73,7 %. A Nouméa même, la « capitale », il atteint 80,5 %.

En revanche, le oui est largement majoritaire dans la province nord (75,8 %) et dans les îles Loyauté (82,2 %). Néanmoins, dans ces îles, la participation plus faible (58,9 %) montre qu’une partie de la population mélanésienne, bien que se revendiquant indépendantiste, n’a pas nécessairement voté pour l’indépendance.

Ces clivages toujours aussi marqués entre les provinces, selon les quartiers dans le Grand Nouméa, dressent une sorte de plafond de verre du vote indépendantiste. Grâce, entre autres, à la campagne unitaire menée par les deux composantes indépendantistes représentées au Congrès (FLNKS-Union calédonienne et Union nationale pour l’indépendance), elles ont réussi à mobiliser une partie de leur électorat qui, jusque-là, désertait plutôt le chemin des urnes.

Notamment chez les jeunes, qui ont voulu à l’occasion de ce scrutin exprimer un sentiment identitaire fort et une fierté de leur appartenance communautaire. En revanche, le score obtenu, même s’il constitue pour eux une bonne surprise, n’est pas lié à une progression, à une percée de leurs idées dans l’électorat non indépendantiste. Toujours du côté indépendantiste, il faut noter l’échec de l’appel à ne prendre part au vote lancé par le Parti travailliste de Louis Kotra Uregeï et soutenu par l’Union syndicale des travailleurs kanak et exploités (USTKE).

Même perdants, des indépendantistes plutôt confortés

Mathurin Derel / AP

Côté loyalistes, le bilan, malgré la victoire du non était plus mitigé. Deux des trois formations représentées au Congrès – le Rassemblement-Les Républicains et les Républicains calédoniens – avaient fait campagne sur le thème d’un non massif à l’indépendance, espérant que celui-ci pourrait obtenir aux alentours de 70 % des suffrages. Avec une telle majorité, elles espéraient pouvoir contraindre les indépendantistes à renoncer à la tenue des deuxième et troisième référendums prévus par l’accord de Nouméa et convaincre l’Etat de les accompagner dans cette démarche.

La soirée électorale sur les plateaux de télévision et dans les sièges de campagne, qui n’avaient pas fait le plein des supporteurs, montre que ces tenants d’une ligne « sans concession », Pierre Frogier pour le Rassemblement-LR et Sonia Backès pour les Républicains calédoniens, vont devoir revoir à la baisse leurs prétentions, car les indépendantistes, même perdants, sortent plutôt confortés, en définitive, de cette consultation.

Le scrutin du 4 novembre, s’il marque une victoire de la mobilisation démocratique et donne un ancrage légitimé par les urnes de la Nouvelle-Calédonie à la France, ouvre une nouvelle phase de dialogue pour répondre, aussi, aux aspirations qui se sont fortement exprimées en faveur de l’identité kanak. Sauf à attiser les rancœurs et à prendre le risque d’un dangereux retour en arrière.

La Nouvelle-Calédonie, dernière colonie française
Durée : 10:13