Une personne transexuelle dans les rues de Montevideo, en Uruguay, le 19 octobre. / Matilde Campodonico / AP

C’est une première en Argentine : deux personnes qui ne se définissent ni comme homme ni comme femme ont obtenu à travers une simple démarche administrative, jeudi 1er novembre, que leur carte d’identité ne fasse aucune mention à l’un ou l’autre genre.

La décision a été prise par les services d’état civil de la ville de Mendoza (1 000 kilomètres à l’ouest de Buenos Aires), en vertu de la loi d’identité de genre votée en Argentine en 2012, après une requête de deux personnes. Dorénavant, un simple trait suivra la mention « sexe » sur leur extrait de naissance et leur carte d’identité. La résolution devrait faire jurisprudence.

« Je ne voulais pas choisir entre être homme ou femme pour avoir à entrer dans une structure, a expliqué au quotidien Clarin l’une des deux personnes, dont les papiers signalent désormais qu’il/elle s’appelle Geronimo Carolina Gonzalez Devesa. Je me sens plus homme, mais je suis féministe. Et l’image du mâle patriarcal ne me plaît pas. L’image d’un homme peut parfois être violente. Et je ne me sens pas non plus à l’aise en tant que femme. »

La loi d’identité de genre de 2012 reconnaît le droit à toute personne de se définir selon le genre qu’elle choisit, indépendamment du sexe qui lui a été « assigné » à la naissance. Il devient donc possible de faire modifier, sur simple déclaration à l’état civil, son prénom, son sexe, la photo de sa carte d’identité ainsi que son extrait de naissance. Le tout sans avoir à fournir d’explication, encore moins à passer devant un juge ou un psychiatre, et non plus sous le bistouri d’un chirurgien. A l’époque, cette démarche, qui avait bouleversé la communauté trans, n’avait provoqué curieusement aucune grande polémique de la part de l’Eglise, dans un pays où 75 % de la population se définit comme catholique.

« Incohérence légale »

« En Argentine, notre loi d’identité de genre indique que l’identité dépend de ce que chacun sent, indépendamment de la biologie », explique l’avocate Eleonora Lamm, qui considère par conséquent comme une « incohérence légale » le fait d’obliger une personne à mentionner l’un ou l’autre sexe sur ses documents d’identité si elle ne le souhaite pas. Sous-directrice du département des droits de l’homme de la cour de justice de Mendoza, l’avocate a accompagné les deux personnes concernées pour remplir le formulaire destiné à rectifier leur carte d’identité. Dans la case « sexe », elles ont inscrit « aucun ».

L’avocate assure qu’il s’agit des premiers cas avec ces caractéristiques dans le monde : « Nous avons identifié des cas d’identification des personnes avec un X, mais ils faisaient suite à des décisions judiciaires et non pas administratives, a-t-elle souligné au site d’information Infobae. Et dans la plupart des situations, il s’agissait de personnes intersexe », c’est-à-dire nées avec une ambiguïté sexuelle (autrefois appelées hermaphrodites).

En Argentine, les deux personnes ayant obtenu cette victoire administrative devront désormais entamer d’autres démarches pour renouveler leur permis de conduire, leurs cartes de crédit et tous les documents devant être modifiés en fonction de leur nouveau document. Aucune précision d’identité sexuelle ne sera requise.

Après Mendoza, l’état civil de Santa Fe (centre-est) s’apprête à répondre favorablement à une demande similaire de rectification de carte d’identité, renforçant l’image de pointe de l’Argentine en matière de droits LGBT.