« Notre alerte est un appel au secours. » C’est par ces mots que se conclut la tribune publiée, lundi 5 novembre, dans Le Monde par les juges du tribunal de Bobigny, qui dénoncent le manque de moyens flagrant de la justice des mineurs. Un cri d’alarme d’une profession mal connue, souvent mise sur le devant de la scène pour sa mission de répression des mineurs délinquants, mais qui est également chargée de protéger les mineurs en danger.

Réprimer les mineurs délinquants

Le juge des enfants est amené à juger les mineurs qui commettent des délits (rôle de « juge de fond »), mais il est également amené à intervenir à deux autres étapes de la procédure : avant, lors de l’enquête (rôle de « juge d’instruction »), et après, pour le suivi (rôle de « juge d’application des peines »).

Cette spécificité est expliquée par la nécessité de personnaliser la réponse pénale et de s’assurer de la dimension éducative de la peine, afin d’éviter à tout prix la récidive.

Afin de préserver l’enfant, l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante, qui encadre la mission de répression des mineurs, précise que les mesures doivent être proportionnées à l’âge :

  • avant dix ans, seules des mesures éducatives peuvent être prononcées : remise aux services d’assistance à l’enfance, placement dans un établissement d’éducation, admonestation, liberté surveillée ;

  • de dix à treize ans, ces mesures peuvent être accompagnées de sanctions éducatives : avertissement solennel prononcé par le tribunal, interdiction de fréquenter des lieux ou des personnes jusqu’à un an, réparation des dommages, travaux scolaires ou stages de formation civique ;

  • à partir de treize ans, des sanctions plus dures peuvent être prononcées, comme le placement en centre éducatif fermé, des amendes (jusqu’à 7 500 euros) et des peines de prison, qui ne peuvent pas excéder la moitié de celle d’un adulte pour les mêmes faits.

  • à partir de seize ans, les sanctions peuvent encore être durcies, et atteindre, selon les circonstances, celles réservées aux adultes.

Protéger les mineurs en danger

Dans le cadre de cette seconde mission, définie par l’ordonnance du 23 décembre 1958, le juge des enfants doit mettre en œuvre des mesures de sauvegarde de l’enfant, « si [sa] santé, [sa] sécurité ou [sa] moralité sont en danger ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises », explique vie-publique.fr, le site édité par la Direction de l’information légale et administrative. Sont concernées notamment les violences physiques, sexuelles ou psychologiques sur les mineurs, mais aussi les négligences dans les soins et l’éducation de ceux qui en ont la charge.

Si possible, l’enfant reste dans sa famille. Mais au besoin, le juge des enfants peut le placer dans un établissement spécialisé, voire dans une famille d’accueil, selon le type de danger auquel il est confronté.

Au cœur d’un réseau

Plus que les juges pour les adultes, le juge des enfants est au cœur d’un réseau d’acteurs aux profils très divers. D’une part, il peut être saisi par le procureur, mais aussi l’aide sociale, l’un des parents ou par l’enfant lui-même.

D’autre part, une fois l’instruction lancée, le juge des enfants peut être épaulé par d’autres professionnels, dont les services d’aide à l’enfance, les services de la protection judiciaire de la jeunesse et d’autres associations de protection de l’enfance. Des associations qui souffrent d’un manque de moyen criant dans certains départements, comme en Seine-Saint-Denis.

Dans leur tribune, les juges du tribunal de Bobigny dénoncent :

« Les mesures d’assistance éducative, exercées pour la plupart par le secteur associatif habilité, sont actuellement soumises à des délais de prise en charge inacceptables en matière de protection de l’enfance : il s’écoule jusqu’à dix-huit mois entre l’audience () et l’affectation du suivi à un éducateur»