Manifestation contre la discrimination des descendants d’esclaves à Nouakchott, en Mauritanie, en avril 2015. / - / AFP

Le gouvernement mauritanien a dénoncé, lundi 5 novembre, la décision des Etats-Unis de lui retirer le statut de partenaire commercial privilégié en Afrique en raison de la persistance de pratiques de « travail forcé » et d’« esclavage héréditaire », selon Washington. Ce retrait, effectif au 1er janvier 2019, a été décidé la semaine dernière par le président Donald Trump à l’occasion de la révision annuelle du programme AGOA (Africa Growth and Opportunity Act, loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique), selon le bureau du représentant au commerce des Etats-Unis.

« Cette décision est une trahison des relations d’amitié entre les deux pays et une négation de nos efforts dans le domaine » de l’éradication des pratiques esclavagistes, a déploré sur Twitter le porte-parole du gouvernement mauritanien, Mohamed Ould Maham. « M. Trump aurait-il pris cette décision s’il s’attendait à un contrat de vente d’armes de 110 milliards de dollars avec nous ? », a-t-il ajouté dans un autre tweet, en référence au montant des commandes militaires saoudiennes évoqué par le président américain pour expliquer sa réticence à suspendre les ventes d’armes à Ryad après l’affaire Khashoggi.

La portée de cette décision est essentiellement symbolique, étant donné le faible volume des échanges entre les deux pays. La Mauritanie a importé en 2017 pour 80 millions d’euros de marchandises américaines et exporté vers les Etats-Unis pour une valeur globale de 1,33 million d’euros, selon des statistiques officielles mauritaniennes.

« Crime contre l’humanité »

Selon Washington, « la Mauritanie n’a pas fait assez de progrès dans la lutte contre le travail forcé, en particulier la lutte contre l’esclavage héréditaire », et son gouvernement « continue de restreindre la capacité de la société civile à s’exprimer sur les questions d’esclavage ».

La question de l’esclavage, officiellement aboli en 1981, et de ses « séquelles » divise toujours la société mauritanienne. Des centaines de milliers de Mauritaniens sont des descendants d’esclaves, dont certains restent assujettis à leurs anciens maîtres, malgré des « avancées » dans les lois et des condamnations de ces pratiques, affirment des militants et des spécialistes.

La Mauritanie a adopté en août 2015 une loi faisant de l’esclavage un « crime contre l’humanité » réprimé par des peines allant jusqu’à vingt ans de prison, contre cinq à dix ans auparavant, mais la situation n’a guère évolué dans les faits, selon des ONG. Depuis le début de l’année, la justice, au moyen des tribunaux spécialisés dans ces dossiers, institués en décembre 2015, a pourtant frappé fort, avec notamment des peines de vingt ans et dix ans de prison.