Arte, mardi 6 novembre à 20 h 50, documentaire

Le New York Times n’a jamais fait de cadeau à Donald Trump. Depuis l’ascension du magnat de l’immobilier dans les années 1970, le vénérable quotidien n’a cessé d’enquêter sur ses affaires, laissant toutefois le soin aux tabloïds new-yorkais et aux magazines people de faire leurs choux gras de ses frasques extraconjugales. Ses incursions en politique ayant toutes échoué, pas un journaliste de la « Dame grise » ne s’attendait à ce qu’il remporte l’investiture du Parti républicain en juillet 2016, encore moins l’élection présidentielle, quatre mois plus tard.

Pas même Maggie Haberman, qui a suivi Donald Trump pendant vingt ans, d’abord au New York Post puis au New York Times. La journaliste avait promis à ses enfants qu’ils « retrouveraient » leur mère après l’élection. Depuis le 20 janvier 2017, jour de l’investiture du quarante-cinquième président des Etats-Unis, elle n’a, au contraire, pas eu une minute de repos : couvrir la présidence Trump implique d’être à l’affût du moindre de ses Tweet, d’assister à tous ses points presse, de l’interviewer par téléphone quand il le souhaite ou encore de se rendre sur les plateaux des chaînes d’info pour commenter le dernier esclandre présidentiel.

Le rédacteur en chef, Dean Baquet, ne se montre pas moins soucieux d’incarner un journalisme honnête, indépendant et transparent

Tous ses confrères du New York Times qui couvrent la présidence Trump reconnaissent passer « des journées de dingue où on entend tout et son contraire ». « Mais c’est un sujet en or », souligne le rédacteur en chef, Dean Baquet. Exigeant de ses troupes une couverture toujours plus agressive des moindres faits et gestes du président, il ne se montre pas moins soucieux d’incarner un journalisme honnête, indépendant et transparent.

C’est ainsi que la « Dame grise » a ouvert ses portes à la réalisatrice américaine Liz Garbus pendant la première année de la présidence Trump. Sa caméra montre l’envers du décor : le sourcilleux travail de recoupage des sources, les échanges tendus avec les fans de Trump, les entretiens privilégiés avec Steve Bannon, les bouclages fiévreux, mais aussi les rapports de force entre la direction de New York et le bureau de Washington au moment de titrer l’édition du lendemain.

Un climat de division

Ce documentaire en quatre épisodes de 55 minutes chacun, monté comme une série à couper le souffle, donne à voir un journal ­conquérant qui encaisse les coups. Bien que souvent pris de court par les mensonges d’un président hors norme, il parvient à empiler les scoops, de l’affaire de l’ingérence russe pendant la présidentielle à l’affaire Weinstein. Résultat : les abonnements augmentent, mais le quotidien perd des recettes publicitaires au détriment de Facebook et Google et doit licencier : la caméra montre aussi les débrayages des secrétaires de rédaction qui ne veulent pas être sacrifiés.

Mais ce qui frappe le plus, c’est le climat de division, toile de fond de ce film qui finit par occuper le devant de la scène. Division tout d’abord entre le « peuple » et « les médias », entretenu par un président populiste qui n’a de cesse d’accuser la presse de fabriquer du « fake news ». Division après les manifestations « Unite the right » de Charlottesville en Virginie en août 2017, entre les suprémacistes blancs et les antiracistes. Division, enfin, après l’affaire Weinstein entre le mouvement #metoo et le mouvement conservateur qui ne veut rien entendre des accusations de viol contre Roy Moore, candidat républicain pour le siège de sénateur dans l’Alabama, en décembre 2017. Le New York Times, considéré comme « le parti d’opposition » par cette autre Amérique, a du pain sur la planche.

Mission vérité – Le « New York Times » et Donald Trump, de Liz Garbus (Etats-Unis, 2018, 4 × 55 min). www.arte.tv