Pour Tim Berners-Lee, l’un des pionniers du Web, le projet initial a « mal tourné ». / ARMANDO FRANCA / AP

Le Britannique Tim Berners-Lee a lancé lundi 5 novembre, lors de la soirée d’ouverture à Lisbonne du Web Summit, une campagne pour définir un nouveau « contrat pour le Web » dont l’objectif serait de protéger le Net de la manipulation politique et de le rendre « sûr et accessible » à tous.

Cette campagne, baptisée #ForTheWeb, devrait sensibiliser utilisateurs, entreprises et gouvernements dans les mois à venir autour de grands principes, avant négociation d’un « contrat complet » d’ici à mai 2019. Une date symbolique, à laquelle, pour la première fois, « 50 % de la population mondiale sera connectée », selon Tim Berners-Lee.

Une cinquantaine d’entreprises et de gouvernements (dont la France) ont déjà signé une version de travail de ce contrat. Parmi les pistes envisagées :

  • l’obligation faite aux gouvernements de s’assurer du respect de la vie privée des citoyens ;
  • l’engagement des entreprises à assurer un accès bon marché au Net à tous à leurs clients ;
  • la sensibilisation des utilisateurs à la nécessité de bâtir, à leur niveau, des communautés respectueuses et de contribuer à un Web « riche et pertinent ».

Extrême centralisation

Pour Tim Berners-Lee, qui avait imaginé en 1989 un « système de gestion décentralisée de l’information » devenu l’acte de naissance du Web, cette plate-forme a « mal tourné ».

Il dresse un bilan aux antipodes des idéaux d’ouverture initiaux. « Nous avons perdu le contrôle de nos données personnelles et ces données sont transformées en armes contre nous. Le pouvoir d’accéder aux informations du monde entier est manipulé par des acteurs malveillants », dénonce la fondation du World Wide Web, qu’il a créée, dans un document expliquant sa démarche.

La fondation déplore les difficultés d’accès à Internet, notamment dans les pays pauvres et pour les femmes. « Les gouvernements censurent de plus en plus l’information en ligne, allant jusqu’à bloquer l’accès à Internet », s’inquiète-t-elle. Elle condamne aussi l’extrême centralisation qui s’est produite sur Internet, où « des milliards de personnes accèdent au Web grâce à une poignée d’entreprises géantes ».

Appel à s’engager

« Ce ne sont pas les Nations unies du monde numérique », a expliqué à l’Agence France-Presse Nnenna Nwakanma, directrice des politiques de la fondation. « Nous avons des petits et des grands acteurs. C’est un appel à s’engager pour ceux qui veulent participer à la solution, qu’ils fassent partie du problème ou pas. »

Google (qui développe un outil conçu pour obéir aux règles de censure de Pékin), et Facebook (éclaboussé en début d’année par le scandale Cambridge Analytica) ont été parmi les premiers à afficher leur soutien aux principes du contrat, tels que l’accès au Web pour tous, la neutralité du Net et le droit fondamental au respect de la vie privée.

L’édition 2018 du Web Summit, le « Davos des geeks », doit accueillir jusqu’à jeudi environ 70 000 participants, dont 2 000 start-up et 1 500 investisseurs à la recherche de partenaires.