L’indépendance de la banque centrale gêne le gouvernement indien. A tel point que son ancien gouverneur Raghuram Rajan a dû venir à sa rescousse, mardi 6 novembre, en rappelant dans un entretien à la chaîne d’information CNBC TV18 que son « autonomie » était dans l’intérêt de la nation. Il a même comparé la banque centrale à une ceinture de sécurité : « Sans elle, vous pouvez avoir un accident. »

A l’approche des élections législatives, prévues en mai prochain, le premier ministre indien, Narendra Modi, souhaiterait que l’institution monétaire soutienne la consommation au lieu de lutter contre l’inflation, en abaissant les taux d’intérêt directeurs. Il plaide également pour que l’on redonne de l’air aux banques publiques, plombées par les créances douteuses, afin qu’elles puissent prêter davantage aux petites et moyennes entreprises.

Le 26 octobre, le vice-gouverneur de la banque centrale, Viral Acharya, a adressé une mise en garde d’une rare fermeté qui visait, sans le citer, M. Modi : « Les gouvernements qui ne respectent pas l’indépendance des banques centrales s’attireront tôt ou tard la colère des marchés financiers et mettront le feu à l’économie. »

Au nom de l’« intérêt général »

La remarque est mal passée auprès du ministre de l’économie, Arun Jaitley, qui a immédiatement contre-attaqué. Il a reproché à la banque centrale d’avoir « regardé ailleurs » lorsque, sous le précédent gouvernement, les banques publiques accumulaient les dettes. Puis il a ajouté : « La nation se situe au-dessus de n’importe quelle institution. »

Selon la presse indienne, l’administration de M. Modi a voulu faire plier l’institution en brandissant la section 7 de l’acte fondateur de la banque centrale indienne, qui date de 1934 et n’a jamais été utilisée jusque-là. Celle-ci autorise le gouvernement à donner des directives au gouverneur au nom de l’« intérêt général ».

Si la banque centrale perd son indépendance, les milieux financiers ont des raisons de s’inquiéter. La dernière grande décision prise par M. Modi sans consulter l’institution a été la démonétisation de 86 % des billets en circulation, en novembre 2016, qui a fait chuter le produit intérieur brut (PIB) et fragilisé les Indiens les plus pauvres.

Face aux critiques, le gouvernement a finalement fait marche arrière, au moins temporairement. Il a expliqué dans un communiqué publié la semaine dernière que « l’autonomie de la banque centrale » était une « exigence de gouvernance essentielle et acceptée ».