Salomé Valdes, ingénieure titulaire d’un double diplôme architecture, bois et construction de l’Enstib et de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy, a décidé de parfaire sa formation des métiers du bois avec une année de compagnonnage. / Eric Nunès/Le Monde

« Pourquoi tu veux faire ce métier alors que tu es une fille ? » La question a le mérite d’être sans fard. Un coup direct que Salomé Valdes pare sans effort : « Parce que je fais ce qu’il me plaît de faire », répond, sans se démonter, la jeune femme au maître charpentier auprès duquel elle sollicite un apprentissage. La discussion est close. Le contrat signé, Salomé Valdes s’engage, lors de cette rentrée 2018, pour un an de formation auprès des compagnons du tour de France avec, en ligne de mire, un certificat d’aptitude professionnelle (CAP).

Les mains dans la sciure

Midi sonne lors de cette journée de septembre où le soleil tombe sur le trottoir qui borde le centre de formation des compagnons du tour de France, rue Feuillat, à Lyon (3e). Des garçons, par dizaines, passent l’immense portique de fer forgé. Tous portent le même large pantalon de travail, dont les poches débordent d’outils : chacun sa jauge, son mètre et son gros crayon de bois. Salomé Valdes aussi. Elle glisse son mètre cinquante-huit dans la meute de ses camarades apprentis. Elle est la seule femme, « et ce n’est pas un problème », affirme-t-elle dans un sourire. « Où qu’elle soit, quel que soit le contexte, elle sait socialiser et mettre les autres à l’aise », témoigne Paul Sardin, ingénieur diplômé de l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du bois (Enstib, à Epinal), ex-camarade de classe de la jeune femme.

Comme lui, Salomé Valdes est ingénieure, fraîchement titulaire d’un double diplôme architecture, bois et construction de l’Enstib et de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy. Si elle a décidé de mettre les mains dans la sciure, « c’est pour approfondir mes connaissances pratiques, alors qu’architectes et ingénieurs imposent leurs idées de conception aux ouvriers ».

Née à Montréal, au Canada, d’un père chilien et d’une mère française, elle arrive en France avec sa famille lorsqu’elle a 6 ans. Ses parents, boulangers, s’installent rapidement à Cornillon-sur-l’Oule, petit village de la Drôme provençale. En 2007, ils décident de bâtir la maison familiale. Eclôt alors chez la jeune femme le goût pour le bois et la construction. « La charpente de la maison est traditionnelle, décrit avec précision Salomé Valdes, mais les murs ont été réalisés avec des briques de chanvre, c’est très isolant et cela s’adapte bien aux variations d’humidité. Cela se développe de plus en plus mais, il y a plus de dix ans, c’était très innovant. »

Le matériau dans sa totalité

Le coup de foudre a lieu avec la matière. « En participant à la construction de cette maison, j’ai découvert un matériau, le bois, son toucher, son odeur, sa chaleur. C’est vraiment agréable », explique-t-elle. Mais elle n’envisage pas alors de pouvoir en faire un métier. « Petite, je voulais être maîtresse d’école. »

Bac en poche, elle envisage d’amorcer ses études en BTS. Ses professeurs de lycée l’encouragent à intégrer une classe préparatoire. « Mais les concours, la compétition entre étudiants, corollaire de ce cursus, je n’en voulais pas. » Elle choisit donc une école d’ingénieurs avec une prépa intégrée, Polytech-Chambéry. Après deux années, elle quitte les Alpes pour les Vosges, direction Epinal et sa grande école du bois, l’Enstib.

En trois années, l’étudiante étudie le matériau dans sa totalité, ainsi que ses multiples usages : la chimie, l’anatomie, la production, la bioraffinerie, la construction. « On acquiert une culture générale de cette matière vivante », résume-t-elle. Des caractéristiques mécaniques changeant en fonction de l’humidité et d’autres facteurs, « qu’il faut savoir appréhender dans nos calculs afin de trouver une meilleure conception », assure-t-elle.

En optant pour une nouvelle année avec les compagnons du tour de France, « Salomé fait le choix d’expérimenter l’ensemble de la filière », souligne Flavie Najean, professeure à l’Enstib. « Cela m’aidera à analyser les choix techniques en me projetant sur la réalisation et les aspects pratiques », admet l’ingénieure. La maîtrise de bout en bout.

Des suppléments et un salon du « Monde », les 10 et 11 novembre, pour choisir sa grande école

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) aura lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures. Il sera précédé de la publication de nos suppléments dédiés aux écoles d’ingénieurs (dans Le Monde daté du mercredi 7 novembre et en ligne en suivant ce lien ) et aux écoles de commerce (dans Le Monde daté du jeudi 8 novembre et sur Le Monde.fr Campus ici).

Plus de cent cinquante écoles de commerce et d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées, prépas y seront représentées, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac +2, +3 ou +4). Lycéens, étudiants et parents pourront assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » sera à leur disposition pour les conseiller, les aider à définir leur projet d’orientation, préparer les concours, rédiger leur CV...

L’entrée du SaGE est gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.