A gauche, le Finlandais Alex Stubb, à droite, Manfred Weber, son rival allemand pour devenir le chef de file des droites aux élections européennes, lors d’un congrès du PPE, le 7 novembre à Helsinki. / Heikki Saukkomaa / AP

Le Parti populaire européen (PPE), la grande famille des droites de l’Union, s’est donné rendez-vous à Helsinki, les 7 et 8 novembre, pour désigner son chef de file pour les élections européennes de mai 2019. Le suspense est limité : face à l’Allemand Manfred Weber, archi-favori, le finlandais Alex Stubb n’a quasiment aucune chance.

Celui des deux qui sortira vainqueur jeudi 8 novembre, à l’issu d’un vote à bulletin secret, peut prétendre à remplacer Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne, en vertu du principe du « Spitzenkandidat », cher au Parlement européen depuis 2014. Celui-ci exige que le poste de président de la Commission revienne automatiquement au chef de file du parti arrivé en tête à l’issue des élections européennes. Mais sans garantie à ce jour.

  • Weber et Stubb : deux profils radicalement différents

Manfred Weber, 46 ans, est un très bon connaisseur de la mécanique européenne. A la tête du groupe PPE à Strasbourg depuis quatre ans, eurodéputé depuis 2004, ce Bavarois de la CSU joue sur son ancrage rural, sa proximité avec les préoccupations quotidiennes des citoyens. Mais il n’a aucune expérience gouvernementale, peu de charisme et une maîtrise limitée des langues étrangères, des handicaps conséquents pour le poste de président de la Commission.

Pourtant, cet homme affable et très à l’écoute a engrangé un nombre impressionnant de soutiens. Presque aucun leader, chez les conservateurs, ne manque à l’appel : la chancelière Merkel, les premiers ministres bulgare, slovaque, slovène, le Hongrois Viktor Orban, et même Laurent Wauquiez, le président des Républicains, qui a tweeté très tardivement, mardi 6 novembre : « J’apporte tout mon soutien à mon ami@ManfredWeber pour qu’il devienne le Spitzenkandidat du@PPE. Une Europe qui protège et fière de ses valeurs : je sais qu’il porte le meilleur projet pour le futur de notre continent. Un projet que nous défendrons ensemble. »

A 51 ans, Alex Stubb affiche a contrario un impressionnant curriculum vitae (ex-premier ministre, ex-ministre des affaires étrangères, ex-ministre des finances) et accroche bien davantage la lumière, avec son physique de triathlète et ses manières décontractées. Mais il a commencé sa campagne sur le tard et est bien moins connu et apprécié que son rival des 758 délégués du PPE en position de voter. « Cette élection est comme une élection sénatoriale, on ne fait pas campagne en multipliant les interviews », glisse un élu français.

  • Affaibli, le PPE pourrait avoir du mal à imposer son chef de file

S’il obtient l’investiture du PPE jeudi midi, à l’issue de cette primaire interne, M. Weber n’a pas de garantie absolue de succéder à Jean-Claude Juncker. C’est tout le paradoxe de ce sommet d’Helsinki, qui explique le scepticisme de nombre de délégués présents. Les états de service du Bavarois en laissent beaucoup dubitatifs : le poste de président de la Commission étant considéré comme une charge équivalente à celle d’un chef d’Etat ou de gouvernement. M. Juncker a ainsi été près de dix-neuf ans premier ministre du Luxembourg et ses prédécesseurs avaient au moins un maroquin ministériel à leur actif.

Par ailleurs, tout le monde s’accorde sur le fait que si le PPE perd du terrain en mai (ce qui est probable, les partis conservateurs reculant tous, en Italie, en Espagne, en Allemagne…), il aura davantage de mal à imposer son spitzenkandidat qu’en 2014. Sera plutôt désigné celui ou celle qui parviendra à former une coalition de partis proeuropéens au sein de l’hémicycle strasbourgeois.

Dans cette configuration, Michel Barnier, devenu une figure majeure dans l’Union grâce à sa gestion sans faux pas du Brexit, ou Margrethe Vestager, la très médiatique commissaire danoise à la concurrence, conservent leurs chances. M. Weber, lui, aurait plus de mal à rassembler les votes de gauche : il reste à la droite du PPE, bien qu’il passe pour modéré au sein de la CSU.

Enfin et surtout, le principe du spitzenkandidat n’est pas gravé dans le marbre. Et pour cette désignation cruciale, les dirigeants de l’Union comptent bien avoir le dernier mot.

La chancelière Merkel s’était fait forcer la main avec la candidature de M. Juncker en 2014 mais elle reste notoirement sceptique à l’égard de ce processus de nomination. Emmanuel Macron a été encore plus explicite et s’est exprimé à plusieurs reprises contre le principe du spitzenkandidat. Pas sûr que M. Weber, qui ne rate pas une occasion d’envoyer des piques au président français, n’accepte au final de lui dégager la voie vers le Berlaymont, le siège de la commission à Bruxelles.

  • Une partie des élus français continue à parier sur Michel Barnier

Les eurodéputés français sont arrivés très divisés à Helsinki. Raison pour laquelle M. Wauquiez fut un des derniers à apporter son soutien public à M. Weber. Une partie de la délégation serait prête à voter pour M. Stubb, même si ses chances sont infimes. Parce qu’il incarne une voie plus moderne et centriste au sein du PPE. Mais surtout, parce qu’en lui apportant leurs voix, en limitant la victoire de M. Weber, ils pourraient donner du poids à l’hypothèse d’un autre candidat PPE, spécialement celle de M. Barnier, pour la Commission à l’issue des européennes.

« M. Barnier va avoir quatre mois, si on trouve un accord rapidement avec Londres, pour vendre un accord de divorce dans toutes les capitales de l’Union. Ces quatre mois peuvent permettre de finir de l’imposer comme le candidat naturel à la présidence de la commission », estime l’eurodéputé LR Michel Dantin. M. Barnier « incarnera une action et l’unité de l’Europe », ajoute le maire de Chambéry, proche du négociateur en chef du Brexit. « Notre chef de file sera notre premier choix pour la présidence de la Commission », s’est contenté de dire Joseph Daul, le très influent président du PPE, mercredi.