Il pourrait s’agir de la plus importante réforme du droit électoral américain depuis l’ouverture du vote aux femmes pour l’ensemble du pays, en 1920. Mardi 6 novembre, 64 % des électeurs de Floride ont voté pour accorder de nouveau le droit de vote à tout citoyen ayant effectué une peine de prison. Si les électeurs incarcérés pour meurtre ou pour viol ne sont pas intégrés dans la réforme, le référendum local, organisé en même temps que les autres élections de mi-mandat, devrait permettre à 1,5 million d’électeurs – soit 9,2 % de la population en âge de voter dans l’Etat – de participer aux élections présidentielles de 2020.

Avec le Kentucky et l’Iowa, la Floride restait l’un des seuls Etat à priver du droit de vote tout condamné, même après la fin de sa peine de prison. Par ailleurs, seuls le Maine et le Vermont garantissent le droit de vote aux personnes incarcérées. Les recours déposés devant la Cour suprême sur ce sujet se sont heurtés à l’article 14 de la Constitution américaine, qui précise que le droit de voter peut être suspendu en cas d’implication « dans une rébellion, ou dans tout autre crime ».

En Floride, une pétition initiée dès 2014 par les associations de défense des droits civiques et signée par plus d’un million d’habitants de l’Etat a permis d’obtenir l’organisation d’un référendum dédié à la réhabilitation du droit de vote pour les anciens prisonniers. Pour être acceptée, la question devait obtenir plus de 60 % de réponses positives lors du scrutin.

La réforme pourrait faire de la Floride un Etat démocrate

Dans un purple state – Etat violet, c’est-à-dire à la fois démocrate (bleu) et républicain (rouge) – aux scrutins toujours serrés, dont les résultats préfigurent souvent de la tendance nationale, le retour d’autant d’électeurs aux urnes pourrait modifier en profondeur les rapports de force politiques.

Donné gagnant dans la course au Sénat mardi 6 novembre, selon les dernières estimations, le républicain Rick Scott ne devance son adversaire Bill Neslon que d’environ 40 000 voix sur plus de huit millions de votants. Une goutte d’eau dans une circonscription où l’opposition entre les zones urbaines, acquises aux démocrates, et les campagnes, majoritairement républicaines, est particulièrement marquée.

A la tête de l’exécutif de Floride depuis 2011, le gouverneur Rick Scott avait déjà pris la décision d’ouvrir le droit de vote aux anciens prisonniers, tout en rendant la procédure longue (au moins cinq années après la sortie de prison) et conditionnée par une procédure judiciaire (environ 400 jugements sont rendus chaque année) qui aurait profité, ces dernières années, en grande majorité à des électeurs blancs. Dans cet Etat du sud des Etats-Unis, c’est bien la division du vote entre les communautés noires et blanches qui constitue l’enjeu central d’une telle réforme électorale : plus d’un électeur noir sur cinq en Floride est empêché de voter par cette mesure, contre un électeur sur dix pour l’ensemble de la population de l’Etat. Majoritairement opposés aux politiques de Donald Trump, les électeurs noirs pourraient faire du swing state de Floride une terre plus largement acquise aux démocrates.