La pauvreté des seniors, phénomène social qui s’était estompé avec l’amélioration, depuis cinquante ans, des retraites, redevient d’actualité. C’est une des conclusions du Secours catholique qui publie, jeudi 8 novembre, son rapport annuel dressé à partir de son expérience de terrain auprès de 722 000 adultes et 640 700 enfants rencontrés, en 2017, dans ses permanences et accompagnés par ses bénévoles. « Ils ne constituent pas un échantillon représentatif des 8,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, puisque ceux que nous recevons vivent avec, en moyenne, 540 euros par mois ce qui les situe dans la grande pauvreté, mais l’évolution d’une année sur l’autre nous permet de détecter les signaux faibles : le retour de la pauvreté des seniors en est un », alerte Véronique Fayet, présidente du Secours catholique.

« C’est une vie de privations »

Céline, 62 ans, après quarante-deux ans de labeur dont trente-huit dans la restauration collective, se retrouve veuve, avec une retraite de 1 000 euros par mois. Après déduction de tous les frais fixes liés à la maison, dans le Maine-et-Loire, dont elle est propriétaire, impôts locaux, assurance, et à sa mutuelle, elle ne dispose que de 400 euros pour tout le reste : « Je ne chauffe toujours pas car le chauffage électrique coûte cher et le bois a doublé de prix en quelques années. C’est une vie de privations, sans sorties ni invitations, sans coiffeur ni restaurant ou cinéma, sans Internet, sans achat dans une boutique de vêtements… Je dois, par exemple, faire changer mon appareil dentaire, mais je n’ai pas les 750 euros qu’il faut pour compléter la prise en charge par ma mutuelle », témoigne-t-elle.

Les plus de 60 ans représentent 10 % des personnes accueillies l’an passé par le Secours catholique et leur proportion a donc doublé depuis 2010. Ce sont surtout des hommes et des femmes seules, aux carrières heurtées, qui touchent de très petites retraites ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, ancien minimum vieillesse, de 833,20 euros depuis le 1er avril 2018). S’y retrouvent également les personnes qui ne peuvent plus travailler mais ne sont pas encore à la retraite.

C’est le cas d’Emilia Naly qui, après une carrière d’infirmière durant trente-trois ans, se retrouve, à cause d’une maladie grave, en invalidité et en retraite anticipée, avec l’ASPA pour tout revenu : « Je fais des choix : payer mon loyer HLM de 108 euros après allocation, et heureusement que j’ai ça ; toutes les factures d’électricité, impôts, eau, taxe d’habitation, ils n’ont qu’à attendre ! Je vais à l’épicerie solidaire, ce qui permet de diviser par deux mon budget nourriture. Et, surtout, j’ai ma famille, mon clan, dont je n’accepte pas d’argent, que des services : mon fils qui m’emmène au spectacle et m’offre des livres ; ma sœur qui, lorsqu’elle fait les courses, m’apporte un peu de viande ou un poulet ; pour les transports, je bénéficie du tarif social à 18 euros par mois, au lieu de 75 euros, mais surtout, comme je n’ai pas beaucoup d’autonomie, mon neveu me prête sa voiture pour gagner du temps. Ce n’est pas parce qu’on est dans la difficulté qu’il ne faut pas sortir, être connectée au monde. »

Mme Naly, bénévole du Secours catholique et l’une des huit membres du collège « Personnes en situation de précarité » au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ne cache pas sa colère contre la politique sociale du gouvernement : « Que l’on coupe l’électricité à Emmanuel Macron, qu’il voie ce que ça fait ! », sourit-elle.