Donald Tusk, Theresa May, Donald Trump et Angela Merkel, lors du sommet du G7 de  La Malbaie, au Quebec, le 8 juin. / Yves Herman / REUTERS

Editorial du « Monde ». La première ministre britannique, Theresa May, et le président français, Emmanuel Macron, devaient se retrouver, ce vendredi 9 novembre, dans la Somme, pour un déjeuner de travail, avant d’aller se recueillir devant le mémorial franco-britannique de Thiepval, en hommage aux 72 000 soldats du Royaume-Uni et du Commonwealth tombés dans les combats de cette région contre les forces allemandes, en 1916.

Ce moment de recueillement et ceux qui vont suivre, d’ici au 11-Novembre, pour marquer le centenaire de la fin de la première guerre mondiale, sont les bienvenus. L’initiative de la France et la salutaire décision d’une soixantaine de chefs d’Etat et de gouvernement étrangers d’accepter son invitation à célébrer ce centenaire sont l’occasion de se pencher, avec le recul historique, sur les similitudes entre ces deux débuts de siècle. Et d’en tirer les enseignements.

La principale leçon de l’armistice de 1918 est celle d’une paix imparfaite, qui ne tiendra guère plus de deux décennies. A la fin de la guerre, la communauté internationale tente d’organiser une gestion multilatérale des relations entre Etats ; née de cet effort, la Société des nations (SDN), ne parviendra pas à s’imposer, face à la résurgence des nationalismes, au revanchisme des puissances humiliées et aux revendications des régimes autoritaires. Amputée du soutien des Etats-Unis, la SDN est trop faible. Un siècle plus tard, il est impossible de dissocier 1918 de 1939.

Grave crise transatlantique

L’histoire, dit-on, ne se répète jamais, mais il lui arrive de bégayer. L’expansionnisme territorial des débuts du XXe siècle est absent des actuelles tensions internationales. Mais on retrouve la crise du multilatéralisme, une forme de revanchisme, notamment de la part de la Russie, la montée des nationalismes, en particulier en Europe, et surtout le retrait américain du leadership mondial. Sous l’impulsion de Donald Trump, les Etats-Unis ont opéré un repli protectionniste qui met en péril l’ouverture du commerce mondial ; ils se ferment aux réfugiés et aux immigrants et contestent les institutions multilatérales qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer après la seconde guerre mondiale. L’hostilité croissante du président américain à l’égard de ses alliés européens a engendré une grave crise transatlantique.

Ces tensions sont d’autant plus inquiétantes que l’Europe elle-même est en proie à la division, ébranlée par la dynamique des mouvements populistes et nationalistes en son sein. Que faire pour sauver la gouvernance mondiale ? Faire entendre raison à l’administration Trump est une option, sans doute illusoire, mais qu’il ne faut pas abandonner. Une autre est de renforcer les institutions multilatérales existantes. C’est la raison pour laquelle les organisateurs du Forum de Paris pour la paix, la grande conférence voulue par Emmanuel Macron à l’occasion de ce centenaire, ont choisi de donner d’abord la parole, à l’ouverture de cet événement, dimanche 11 novembre, au secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Les dirigeants de toutes les grandes institutions internationales créées sous l’égide de l’ONU seront là aussi : leur présence est importante.

Le multilatéralisme, cependant, ne saurait être renforcé sans une réforme de ces institutions, qui doivent être adaptées aux réalités du XXIe siècle. Ces réalités, il appartient aussi à la France de les accepter. Il n’est pas trop tard, mais le temps presse.