Justin Trudeau, le 12 novembre à Paris. / PHILIPPE LOPEZ / AFP

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a confirmé, lundi 12 novembre, à Paris, en marge du Forum pour la paix, que les services de renseignement canadiens avaient écouté des enregistrements ayant trait à l’assassinat de Jamal Khashoggi.

C’est le premier dirigeant occidental à confirmer officiellement l’existence d’un enregistrement audio portant sur le meurtre du journaliste saoudien. L’éditorialiste, collaborateur du Washington Post, a été tué par un commando saoudien le 2 octobre au consulat saoudien d’Istanbul, où il s’était rendu pour des démarches administratives.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait déclaré samedi que la Turquie était en possession d’enregistrements de l’assassinat du dissident saoudien dans le consulat, affirmant les avoir partagés notamment avec Riyad, Washington, Berlin, Paris et Londres. « Ils ont écouté les conversations qui ont eu lieu ici, ils savent », avait-il affirmé.

« Les services de renseignement canadiens ont travaillé de très près sur cette question avec les services de renseignement turcs et le Canada a été pleinement informé de ce que la Turquie devait partager », a confirmé Justin Trudeau.

Le Drian n’a « pas connaissance » d’un partage d’informations

Dans une interview à la chaîne de télévision France 2, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a en revanche dit ne « pas avoir connaissance » d’un partage d’informations turques, contredisant des déclarations de M. Erdogan.

Interrogé sur l’éventualité d’un mensonge du président turc sur ce point, le ministre français a observé que ce dernier avait « un jeu politique particulier dans cette circonstance ».

Une accusation « inacceptable », a vivement réagi auprès de l’Agence France-Presse le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun, ajoutant qu’un responsable français avait notamment eu accès à un « enregistrement audio » portant sur le meurtre de Khashoggi. M. Altun a affirmé que « des preuves » avaient été « partagées avec les institutions concernées du gouvernement français », ajoutant que « le 24 octobre, un représentant des services de renseignement français a écouté l’enregistrement audio ».

« S’il y a un problème de communication entre les différentes institutions au sein du gouvernement français, il appartient aux autorités françaises et non à la Turquie de régler ce problème », a-t-il asséné.

Mystère sur l’origine de l’enregistrement

Après avoir d’abord fermement nié le meurtre du journaliste, les autorités saoudiennes ont fini par affirmer que le journaliste a été tué au cours d’une opération « non autorisée » par Riyad.

Mais dans une tribune publiée le 2 novembre par le Washington Post, le président Erdogan a accusé les « plus hauts niveaux du gouvernement saoudien » d’avoir commandité le meurtre, tout en excluant le roi Salman. Si le dirigeant turc prend garde à ne pas nommer directement un commanditaire, la presse locale et des responsables s’exprimant sous couvert d’anonymat n’ont eu de cesse d’impliquer le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane.

Certains médias et responsables turcs avaient d’ailleurs rapidement affirmé qu’Ankara détenait un enregistrement audio du meurtre et qu’il avait été partagé avec la directrice de l’Agence centrale de renseignement (CIA) américaine, Gina Haspel, lors d’un déplacement en Turquie fin octobre. Des sources sécuritaires américaines avaient confirmé auprès du Washington Post que Gina Haspel avait écouté l’enregistrement au cours d’un voyage en Turquie le mois dernier.

Les autorités turques n’ont jamais précisé dans quelles circonstances elles avaient obtenu un enregistrement depuis l’intérieur du consulat, l’écoute électronique de missions étrangères enfreignant la Convention de Vienne.