France 2, mardi 13 novembre à 21 heures, documentaire

L’antiterrorisme français est né durant une période où les attentats étaient moins meurtriers, mais autrement plus nombreux qu’aujourd’hui : les années 1980. Le film de Patrick Rotman et Vincent Nouzille, qui raconte plus de trois décennies de lutte secrète pour protéger le territoire national et ses ressortissants, se ­concentre d’abord sur les attentats fomentés, dans et en dehors l’Hexagone, par la Syrie puis par l’Iran. Un terrorisme d’Etat auquel la France n’était pas préparée.

La première de ces attaques, rue des Rosiers à Paris, le 9 août 1982, dont le bilan est de six morts et vingt-deux blessés, n’est pas revendiquée. L’enquête est confiée dans un premier temps à la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne qui n’est en rien spécialisée dans la lutte contre le terrorisme.

Trois acteurs prennent le relais : le juge Jean-Louis Bruguière, la Direction de la surveillance du territoire (DST) qui créé une division antiterroriste fin 1982, et la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), fondée également 1982, qui dispose d’un bureau de coordination des recherches et opérations antiterroristes.

Dangerosité mal évaluée

Si cette lutte est balbutiante, elle finira par obtenir des résultats. L’auteur de l’attentat est identifié : Abou Nidal, un Palestinien agissant pour le compte de la ­Syrie, hostile à la présence militaire française au Liban. Yves Bonnet, alors patron de la DST, ­révèle qu’un « marché non écrit » est alors conclu avec les émis­saires d’Abou Nidal. Son groupe s’engage à ne plus commettre d’attentats en France. En échange, ses membres pourront continuer de se rendre sur le territoire national.

Les services de renseignement auront plus de mal à identifier la menace iranienne. A la suite de la campagne d’attentats commanditée par Téhéran en 1985 et en 1986, la première loi relative à la lutte antiterroriste est votée en septembre 1986. Très didactique, le documentaire retrace avec minutie les différentes étapes du renforcement de l’arsenal législatif.

Le film montre bien comment la menace se transforme dans les années 1990

Toutefois, il fait l’économie de restituer la multiplicité des menaces terroristes qui touchent la France dans les années 1980 : pas un mot sur les opérations armées et les attentats à la bombe commis par le Vénézuélien Carlos ­entre 1975 et 1983, par le groupe terroriste d’extrême gauche ­Action directe entre 1979 et 1987, ou par le Front de libération nationale corse à partir de 1976.

En revanche, le film montre bien comment la menace se transforme dans les années 1990 : formés au djihad en Afghanistan, les terroristes algériens du Groupe islamique armé (GIA) lancent une série d’attentats contre la France en 1995 et 1996.

Un des plus ­efficaces antiterrorisme du monde

Jusqu’en 2012, le sol français – hors Corse – est épargné par les attentats. L’antiterrorisme français se révèle alors l’un des plus ­efficaces du monde. La DST et les renseignements généraux (RG), qui se livrent une concurrence sans merci, réussissent à démanteler de nombreux réseaux djihadistes français et européens.

L’analyse de la faillite de ce système dans les années 2010 met en exergue les erreurs et les lourdeurs du dispositif. Depuis les ­attentats de Toulouse et de Montauban en mars 2012, à chaque attentat, le même constat : les auteurs des massacres étaient connus des services de renseignements et de la police judiciaire, mais leur dangerosité a été mal évaluée. Les longs passages que le film consacre aux attentats de 2012 et de 2015 sont par moments difficilement supportables, mais ils produisent leur effet : ils nous rappellent de manière frontale que la menace demeure.

Histoire secrète de l’antiterrorisme, de Patrick Rotman et Vincent Nouzille (France, 2018, 152 min). www.francetelevisions.fr