Alexeï Navalny, à l’aéroport Domodedovo de Moscou, le 13 novembre. / AP

L’avion LH1453 de la compagnie allemande Lufthansa, prévu à 9 h 5, est parti sans lui. Alexeï Navalny s’apprêtait à monter à bord, mardi 13 novembre, lorsque la police des frontières de l’aéroport Domodedovo, à Moscou, lui a demandé de se mettre de côté. Puis une lettre d’un huissier lui a été remise, que le principal opposant du Kremlin a aussitôt rendue publique sur les réseaux sociaux, assortie d’une photo le montrant assis à l’aéroport derrière un cordon avec une valise à ses pieds.

Datée du jour même, à « 7 h 55 », cet avis officiel avertit le « citoyen Navalny » que « son droit de sortie de la Fédération de Russie est limité » en renvoyant à un article de loi sur ce thème. « On ne l’a pas laissé sortir », confirme au Monde Ivan Jdanov, juriste de la Fondation pour la lutte anticorruption créée par l’opposant. « L’huissier qui s’occupe de ses affaires a dit qu’il n’avait pris aucune restriction contre lui, poursuit-il. Le document lui-même est bourré de violations flagrantes : il n’y a pas de date de prise de la décision, le département des huissiers de justice est écrit avec une erreur et la période de restriction n’est pas précisée. En outre, dans ce genre de décision, une copie est envoyée à l’avance pour pouvoir faire appel. Ici, rien. Il est évident que tout cela a été inventé sur place, au moment où il allait partir. »

« Arbitraire »

Alexeï Navalny s’apprêtait en effet à embarquer pour Francfort, afin de rejoindre Strasbourg où la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par ses soins, devrait se prononcer, le 15 novembre, sur les multiples interpellations dont il a été l’objet lors de plusieurs manifestations en 2012 et 2014, en Russie. « L’affaire porte sur son arrestation à sept reprises lors de différents rassemblements publics et les poursuites ultérieurement engagées contre lui pour des infractions administratives », annonce la CEDH sur son site.

La grande chambre de la Cour devra notamment décider si ces interpellations étaient « inspirées par des arrière-pensées politiques ». L’opposant a invoqué plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la liberté, le droit à un procès équitable et le droit à la liberté de réunion.

Depuis l’obtention de son passeport, en 2017, c’est la première fois qu’Alexeï Navalny, dont la candidature à l’élection présidentielle russe en 2018 avait été écartée, est interdit de sortie du territoire russe. Selon la radio Echo de Moscou, cette décision pourrait avoir été déclenchée dans le cadre d’une procédure d’exécution lancée par la justice russe le 9 novembre, pour lui réclamer des arriérés dans l’affaire Kirovles.

M. Navalny avait été condamné en 2013 pour « détournement de fonds » dans un procès jugé « arbitraire » par la CEDH et de « nature politique ». Les juges européens avaient condamné Moscou à verser 8 000 euros à l’opposant à titre de dédommagement moral. Un deuxième procès avait alors été intenté à l’opposant relatif à la même affaire, qui avait abouti en 2017 à la même condamnation après appel, cinq ans de prison avec sursis et une amende de 500 000 roubles d’amende.

Qui est Alexeï Navalny ?
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