Alexeï Navalny à l’aéroport Domodedovo, à Moscou, le 13 novembre. / ALEXEÏ NAVALNY / AP

« En prenant en compte mon approche consciencieuse, on me permet de sortir du pays », a annoncé sur un ton ironique, en début de soirée, mardi 13 novembre, Alexeï Navalny sur son compte Twitter. Selon les agences russes, le service fédéral des huissiers des tribunaux, considérant que le principal opposant du Kremlin avait « payé ses dettes » – ce que l’intéressé a toujours soutenu – a, en effet, levé l’interdiction qui pesait sur lui de quitter le territoire de la Russie.

Plus tôt dans la matinée, Alexeï Navalny, qui s’apprêtait à décoller de l’aéroport Domodedovo, à Moscou, pour rejoindre Strasbourg via Francfort, n’avait pas pu monter à bord de l’avion. Une lettre d’un huissier lui avait été remise, que le principal opposant du Kremlin avait aussitôt rendue publique sur les réseaux sociaux, assortie d’une photo le montrant assis à l’aéroport derrière un cordon avec une valise à ses pieds.

Datée du jour même, à « 7 h 55 », cet avis officiel avertissait le « citoyen Navalny » que « son droit de sortie de la Fédération de Russie est limité » en renvoyant à un article de loi sur ce thème. « On ne l’a pas laissé sortir », confirmait au Monde Ivan Jdanov, juriste de la Fondation pour la lutte anticorruption, créée par l’opposant.

L’opposant projetait de rejoindre Strasbourg où la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par ses soins, doit se prononcer, le 15 novembre, sur les multiples interpellations dont il a été l’objet lors de plusieurs manifestations en 2012 et 2014, en Russie. « L’affaire porte sur son arrestation à sept reprises lors de différents rassemblements publics et les poursuites ultérieurement engagées contre lui pour des infractions administratives », annonce la CEDH sur son site.

« Arrière-pensées politiques »

La grande chambre de la Cour devra notamment décider si ces interpellations étaient « inspirées par des arrière-pensées politiques ». L’opposant a invoqué plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la liberté, le droit à un procès équitable et le droit à la liberté de réunion.

Depuis l’obtention de son passeport, en 2017, c’est la première fois qu’Alexeï Navalny, dont la candidature à l’élection présidentielle russe en 2018 avait été écartée, était interdit de sortie du territoire russe. Cette décision avait été déclenchée dans le cadre d’une procédure d’exécution lancée par la justice russe, vendredi 9 novembre, pour lui réclamer des arriérés dans l’affaire Kirovles.

Poursuivi pour « détournement de fonds » dans cette affaire, M. Navalny avait été condamné en 2013 à cinq ans de prison avec sursis et 500 000 roubles d’amende. Ce procès jugé « arbitraire » par la CEDH et de « nature politique » avait conduit les juges européens à condamner Moscou à verser 8 000 euros à l’opposant à titre de dédommagement moral.

Un deuxième procès avait alors été intenté en Russie pour la même affaire, qui avait abouti en 2017 à la même condamnation. Ce sont les dommages et intérêts réclamés par l’entreprise Kirovles à M. Navalny, qui ont été mis en avant, mardi, pour justifier l’interdiction de sortie du territoire.