De nouvelles voitures Volkswagen en attente d’homologation à l’aéroport Willy-Brandt de Berlin-Brandebourg (en construction), le 14 août. / Hannibal Hanschke / REUTERS

Coup de froid sur l’économie allemande. Au troisième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,2 % outre-Rhin, selon la première estimation publiée mercredi 14 novembre par l’office fédéral de la statistique Destatis. Un chiffre plus mauvais encore que celui anticipé par les économistes, qui s’attendaient à 0 % ou − 0,1 %, et décevant, surtout au regard de la progression de 0,4 % puis de 0,5 % enregistrée au premier et deuxième trimestres.

Il met fin aux seize trimestres consécutifs de croissance enregistrés depuis début 2015. Alors que la chancelière Angela Merkel vient d’annoncer son retrait ­progressif de la vie politique, une série de vents contraires soufflent depuis l’été sur la conjoncture germanique.

Le premier d’entre eux tient à l’entrée en vigueur, le 1er septembre, des nouvelles normes antipollution WLTP visant à mieux prendre en compte les émissions réelles des véhicules. Complexes, elles ont désorganisé les chaînes de production des constructeurs automobiles allemands, dont BMW, Daimler et Volkswagen.

Ce dernier a été contraint de stocker des milliers de voitures en attendant leur homologation, notamment sur les pistes de l’aéroport Willy-Brandt de Berlin-Brandebourg, en construction. « Cette impréparation est plutôt surprenante de la part d’un secteur au fonctionnement en général bien rodé », remarque Charles-Henri Colombier, économiste chez Rexecode.

Incertitudes sur le commerce mondial

Dans tous les cas, la production industrielle, inférieure de 0,9 % à son niveau du deuxième trimestre, en a souffert, tout comme les exportations. « Selon les calculs provisoires, les exports ont chuté au troisième trimestre, tandis que les importations ont progressé », soulignent les experts de l’office de la statistique dans leur communiqué. Au total, la production de voitures devrait baisser de 7 % cette année dans le pays, d’après l’association des constructeurs allemands. Et ce, alors que la branche automobile, colonne vertébrale de l’industrie, pèse 800 000 emplois, fournisseurs compris.

Se sont ajoutées à cela les incertitudes planant sur le commerce mondial, tels que le Brexit et la politique commerciale agressive de Donald Trump. La montée en force du protectionnisme serait très dommageable pour Berlin, dont l’économie est tournée vers les exportations. « Dans ces conditions, les entreprises ont de plus en plus de difficultés à se projeter », s’inquiète la chambre de commerce et d’industrie allemande DIHK. Les investisseurs font aussi grise mine : leur moral a atteint son plus bas niveau depuis 2012, selon le baromètre publié par l’institut ZEW le 13 novembre.

Ce passage à vide va-t-il durer ? Cela dépendra en grande partie des capacités de rebond du secteur automobile

Le moteur allemand, en se grippant, a pesé sur le reste de la zone euro. Le PIB de celle-ci n’a crû que de 0,2 % au troisième trimestre. Si l’Espagne (0,6 %) et la France (0,4 %) ont plutôt bien résisté grâce à leur demande intérieure, l’Italie, dont l’économie est elle aussi plus dépendante des exports, est à l’arrêt (0 %).

Ce passage à vide va-t-il durer ? Cela dépendra en grande partie des capacités de rebond du secteur automobile. « Attention à ne pas surinterpréter cette mauvaise performance trimestrielle : c’est un accident de parcours, et le PIB devrait se redresser sur la fin de l’année », tempère Charles-Henri Colombier. Ceux préférant voir la bouteille à moitié pleine soulignent également que nos voisins enregistreront en 2019 leur dixième année de croissance d’affilée, la plus longue période depuis 1966.

Manque de main-d’œuvre

Les séquelles de la crise de 2008 sont effacées depuis longtemps. Avec un taux de chômage de 3,4 % en septembre, selon Eurostat, au plus bas depuis sa réunification en 1990, le pays se trouve au quasi-plein-emploi. Et, grâce à la progression des rémunérations, la demande des ménages est dynamique. Début 2019, le salaire minimal horaire devrait d’ailleurs passer de 8,84 à 9,19 euros. En 2020, il s’établira à 9,35 euros.

Reste que le ralentissement tendanciel de la croissance est consommé. Après l’excellente année 2017 (2,5 %), le PIB ne devrait guère croître de plus de 1,8 % cette année, à en croire les prévisions publiées par le gouvernement début octobre. En avril, il tablait sur 2,3 %.

En 2019, la croissance pourrait atteindre 1,8 %, estime la Commission européenne. Voire à 1,5 %, juge avec pessimisme le comité des « sages », l’influent groupe d’économistes conseillant le gouvernement. Dans un rapport publié le 7 novembre, il s’inquiète du vieillissement de la population et du manque de main-d’œuvre pénalisant certains secteurs, aussi bien dans les services que dans l’industrie, susceptibles de « freiner l’expansion économique ».

Et ce, malgré l’intégration progressive des réfugiés arrivés depuis 2015 sur le marché du travail. « Entre janvier et juillet, 300 000 étrangers supplémentaires ont trouvé un emploi, soit 50 % du total des postes créés », souligne ainsi Raymond Van der Putten, économiste chez BNP Paribas, dans une note sur le sujet. Un tiers d’entre eux étaient des demandeurs d’asile non européens.