Décompte des bulletins de l’élection présidentielle malgache au stade de Mahamasina, à Antanarivo, le 8 novembre 2018. / MARCO LONGARI / AFP

Le calme dans lequel s’est déroulé le premier tour de l’élection présidentielle à Madagascar, mercredi 7 novembre, n’aura pas duré longtemps. Alors que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) continue de publier les résultats au compte-gouttes, les trois ex-présidents et favoris du scrutin contestent d’ores et déjà les chiffres et émettent des doutes sur l’intégrité de la commission. Mercredi 14 novembre au matin, sur près de 70 % bureaux de vote traités, Andry Rajoelina arrivait en tête avec 39,47 % des voix, suivi de Marc Ravalomanana (36,73 %) et de Hery Rajaonarimampianina, le président sortant (7,49 %).

La veille, les représentants d’Andry Rajoelina ont quitté le siège de la CENI, à Antananarivo, en déclarant dans un communiqué qu’ils se retiraient du processus de traitement des résultats de la commission : « Les conditions d’observation du comptage des voix ne sont pas réunies, le traitement informatique des résultats de vote n’est pas transparent. […] Nous ne pouvons approuver les résultats provisoires publiés actuellement. » Selon leur propre décompte, qu’ils promettent de rendre public prochainement, le score de l’ex-chef de la Transition (2009-2014) serait « bien plus élevé ».

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De son côté, l’équipe de campagne de Marc Ravalomanana exige la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. « Il y a beaucoup de publications de la CENI qui ne correspondent pas aux procès-verbaux dont nous disposons, a déclaré Hanitra Razafimanantsoa, députée du TIM (le parti de Ravalomanana) et avocate de l’ancien président (2002-2009). Nous ne demandons pas beaucoup de choses : la publication et l’accès aux fichiers électroniques des résultats, bureau de vote par bureau de vote. Les éventuels résultats ne seront pas contestés si la transparence et la crédibilité sont réunies. »

« Une crise post-électorale est inévitable »

Dès le lendemain du scrutin, Hery Rajaonarimampianina s’était montré plus frontal. Le président sortant a dénoncé dans un communiqué « de nombreuses irrégularités de vote et anomalies techniques détectées », pour arriver à la conclusion que « le vote de la population malgache a été victime de ces détournements. […] Nous ne laisserons pas la population se voir dérober son vote. » Le HVM, son parti, devrait engager officiellement des recours. « Notre cellule juridique travaille déjà là-dessus et nous avons des preuves, affirme le secrétaire général du parti, Mohamed Rachidy. Le déroulement de l’élection du 7 novembre n’a pas été conforme à la loi. »

Le mécontentement s’exprime aussi parmi les 33 autres candidats. « Nous ne pouvons pas accepter les résultats de la CENI en l’état actuel des choses, explique Serge Jovial Imbeh, le coordinateur du collectif de 25 candidats qui demandaient le report de l’élection présidentielle. On voulait une élection crédible, transparente et acceptée par tous. C’est loin d’être le cas. Les résultats de la CENI sont manipulés. Une crise post-électorale est inévitable. » Mardi, le collectif a déposé une requête en annulation de l’élection auprès de la Haute Cour constitutionnelle.

En images : Madagascar a voté pour le premier tour de l’élection présidentielle

Devant ces attaques fusant de toutes parts, le président de la CENI, Hery Rakotomanana, tente de tempérer les critiques. « Que ceux qui veulent porter des accusations fournissent des preuves et que ce ne soit pas juste motivé par des calculs politiques », a-t-il déclaré, déplorant que les favoris de l’élection soient tentés de publier leurs résultats pour se proclamer victorieux de l’élection dès le premier tour. Sur le site de la CENI, on peut désormais consulter les résultats bureau de vote par bureau de vote. Hery Rakotomanana a rappelé que les résultats provisoires complets seront connus mardi 20 novembre, avant la proclamation officielle des résultats par la Haute Cour constitutionnelle, ainsi que le prévoit la loi électorale.

Des distributions d’argent

Ces diverses remises en question de la CENI n’augurent rien de bon pour la suite des élections, dont le deuxième tour est prévu le 19 décembre. D’autant que les principaux candidats ne sont pas exempts de critiques. La mission d’observation de l’Union européenne (UE), tout en jugeant les irrégularités « très marginales », pointe dans son rapport préliminaire des pratiques de distribution d’argent qui risquent d’alimenter le contentieux post-électoral. Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina sont en particulier concernés.

« Lors de la campagne du candidat Andry Rajoelina à Farafangana le 26 octobre, une somme de 12 millions d’ariary [plus de 2 930 euros] a été offerte au roi local Tadatsy des Antefasy, et à Vangaindrano le 30 octobre, une somme de 6 millions d’ariary au roi local Eliandre des Zafimananga », écrivent les observateurs de l’UE. Des distributions d’argent ont aussi été relevées à Antsiranana le 8 octobre, à Sambava le 10 octobre, à Tolagnaro le 19 octobre, à Ampasimazava le 21 octobre, à Fénérive-Est le 23 octobre… sans que les montants soient précisés. Récusant ces affirmations, Andry Rajoelina demande un démenti formel de l’UE.