Facebook s’est défendu, jeudi 15 novembre, d’avoir orchestré une campagne de dénigrement visant le financier George Soros, afin de détourner l’attention d’affaires potentiellement dommageables pour le réseau social. Des soupçons qui émanent d’une longue enquête publiée par le New York Times, sous le titre « Delay, Deny and Deflect », se penchant sur la manière dont la direction de Facebook a réagi, ces dernières années, aux plus gros scandales ayant touché l’entreprise (ingérence russe sur l’élection de 2016, Cambridge Analytica, auditions par le Congrès américain, etc.).

Cet article, alimenté par une cinquantaine de sources anonymes, notamment au sein de Facebook, donne de nombreux détails sur les réactions et la coordination de deux dirigeants principaux de l’entreprise (Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg) et de personnages clés, comme Joel Kaplan, responsable des affaires publiques de Facebook, travaillant à Washington.

« Menaces contre la démocratie »

Parmi les informations révélées par le New York Times : le fait que Facebook a demandé à la société de relations publiques Definers, proche du Parti républicain, de mener une campagne pour discréditer les critiques formulées contre Facebook après le scandale Cambridge Analytica. Une affaire qui a éclaté en mars, et dans laquelle on a appris que des données de millions d’utilisateurs de Facebook avaient été indûment utilisées, potentiellement dans le but de favoriser la campagne électorale de Donald Trump. Après cela, de nombreuses voix s’étaient élevées pour critiquer Facebook, et plus précisément le manque de sécurisation des données personnelles de ses utilisateurs.

Pendant l’été 2018, selon le New York Times, Definers aurait agi en faveur de Facebook en suggérant à des journalistes que George Soros aurait un rapport avec les groupes et personnalités formulant des critiques contre Facebook. Le milliardaire avait en effet, en début d’année, notoirement déclaré son hostilité à l’encontre du réseau social, qu’il considère être une des « menaces contre la société ». Mais George Soros est aussi l’une des bêtes noires des leaders populistes dans le monde. Plus récemment, il a été pris pour cible par le président américain Donald Trump lui-même.

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Jeudi 15 novembre, l’Open Society Foundation, le principal réseau de fondations qui coordonne les activités de George Soros, a publié une lettre adressée par son président, Patrick Gaspard, à Sheryl Sandberg, la numéro deux de Facebook. Dans ce texte virulent, que Le Monde a pu consulter, le président de l’Open Society Foundation se dit « choqué » par les informations parues dans le New York Times.

Il reproche notamment à Sheryl Sandberg d’avoir utilisé les services de Definers pour mettre en cause George Soros, alors qu’« il y a un effort concerté de la part de l’aile droite électorale pour diaboliser M. Soros et ses fondations. Un effort qui a contribué à des menaces de mort et à ce que des bombes soient envoyées au domicile de M. Soros ». Le milliardaire est en effet l’un des premiers destinataires des paquets piégés qui ont été envoyés fin octobre à des personnalités démocrates comme Hillary Clinton et Barack Obama. Le principal suspect arrêté dans cette enquête est un soutien radical de Donald Trump.

Le président de l’Open Society Foundation, Patrick Gaspard, écrit également :

« Vous n’êtes pas non plus sans savoir que beaucoup de fausses informations, haineuses et antisémites, circulent de manière flagrante sur Facebook. Je suis franchement stupéfait par l’idée que votre entreprise, sous votre direction, s’est activement engagée dans un comportement similaire afin de discréditer des personnes qui utilisent leurs droits inscrits dans le premier amendement pour protester contre le rôle de Facebook dans la dissémination d’une propagande vile. (…) Vos méthodes menacent les valeurs fondamentales qui soutiennent notre démocratie. »

Contrat rompu avec Definers

Dans le même temps, Facebook a réagi à l’enquête parue dans le New York Times, en diffusant un communiqué répondant à plusieurs points. Concernant les activités de Definers, l’entreprise indique que le New York Times « a tort de suggérer que nous avons demandé à Definers de payer pour, ou d’écrire des articles pour le compte de Facebook, ou de répandre de fausses informations ».

Si Definers a bien « encouragé des journalistes à se pencher sur le financement d’une organisation anti-Facebook appelée “Freedom from Facebook” », le réseau social se défend en indiquant que « suggérer que [cette action de la société de relations publiques] relevait d’une attaque antisémite est répréhensible et faux ». Facebook explique aussi dans ce texte avoir « rompu son contrat » mardi soir avec la société de relations publiques.

Dans son communiqué, Facebook réagit également à d’autres informations du New York Times : le fait par exemple que Mark Zuckerberg et Sheryl Sandberg aient « ignoré les signes avant-coureurs » de tentatives d’ingérence russe dans les élections américaines en 2016. Facebook ne dément pas, et répond : « Nous avons reconnu publiquement à plusieurs reprises – y compris devant le Congrès – que nous avions été trop lents à détecter l’ingérence russe sur Facebook. Même si nous avons encore beaucoup à faire, nous sommes fiers des progrès qui ont été realisés dans notre combat contre la désinformation, le retrait de contenus problématiques, et la prévention contre les manipulations de notre plate-forme par des acteurs étrangers. »