Vont-ils paralyser la France ? Les « gilets jaunes » appellent à bloquer routes et points stratégiques samedi 17 novembre à travers le pays lors d’une « mobilisation générale » citoyenne contre la hausse des prix des carburants. Au fil du temps, cette opposition à la hausse des prix du carburant, première des revendications, s’est élargie à une contestation plus large de la politique du gouvernement, notamment des taxes qui grèvent le pouvoir d’achat.

Pris de vitesse par ce mouvement de défiance qui a essaimé en quelques semaines sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical ou politique, l’exécutif a tenté de le désamorcer. Sans effet pour le moment : environ 1 500 actions sont attendues sur l’ensemble du pays et seulement « un peu plus d’une centaine » auraient été déclarées, selon une source policière.

  • Comment les autorités s’organisent face à ces mobilisations ?

Si plusieurs manifestations des « gilets jaunes » prévues samedi ont été déclarées, les autorités craignent un mouvement spontané de bien plus grande ampleur et évoquent un « risque sécuritaire ». Le gouvernement a donc multiplié les mises en garde. « La loi s’appliquera », a assuré le premier ministre, Edouard Philippe, et les forces de l’ordre interviendront pour lever les blocages, a prévenu le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, exhortant les organisateurs à la « responsabilité ».

Les organisateurs avaient jusqu’à soixante-douze heures avant la journée d’action de samedi pour déclarer leurs manifestations en préfecture, « mais il y a sûrement un peu de souplesse », espère une source policière. Des préfectures ont donc battu le rappel jeudi pour que les organisateurs déclarent leurs actions, signalant qu’une manifestation non déclarée fait encourir à ses organisateurs une peine de six mois de prison et 7 500 euros d’amende. La peine encourue pour délit d’entrave à la circulation est, elle, de deux ans de prison, 4 500 euros d’amende et retrait de six points sur le permis de conduire.

À Tarbes (Hautes-Pyrénées), les organisatrices du mouvement ont retiré la demande de manifestation déposée en préfecture, après avoir subi des « pressions de toutes parts », assurent-elles. « Nous risquons de lourdes peines d’emprisonnement ainsi que le dédommagement du manque à gagner », ont-elles justifié, provoquant la colère de manifestants, qui les ont accusées d’être des « collabos » ou de « se faire acheter ».

  • Quelles sont les premières remontées des préfectures ?

Vendredi matin, la préfecture de police de Paris a fait savoir qu’une seule manifestation avait été déclarée de la part de VTC. La préfecture a d’ores et déjà annoncé que différents moyens de surveillance seront mis en place autour des axes routiers pour éviter les blocages.

Dans le Rhône, une seule manifestation a été déclarée, un rassemblement de citoyens à Givors. Pour le reste, la préfecture n’a reçu aucune demande, pas même à Lyon. Un important dispositif de sécurité est toutefois prévu, mais resté confidentiel. En Loire-Atlantique, une seule manifestation a été déclarée. Il s’agit d’une opération escargot sur le périphérique nantais.

Dans le Nord, treize manifestations ont été déclarées aux services de l’Etat. Mais la préfecture, qui surveille les réseaux sociaux, a repéré un certain nombre d’appels à des actions qui n’ont pas été déclarées et invite « les participants aux mouvements organisés le 17 novembre prochain à faire preuve d’un esprit de responsabilité et de prudence dans les actions entreprises, pour éviter tout incident. »

Au total, « trente unités de forces mobiles, soit environ trois mille hommes, sont mises à disposition des préfets pour intervenir en renfort des effectifs normaux de police et de gendarmerie », fait savoir le ministère de l’intérieur, où une cellule de crise sera mise en place samedi en lien avec le ministère des transports.

  • Quels sont les modes d’action prévus ?

L’appel au « blocage national » lancé en octobre sur Facebook a été décliné en autant de groupes locaux, et les gilets jaune fluo de sécurité routière ont fleuri sous les pare-brise en signe de ralliement à ce mouvement protéiforme. À en croire la carte diffusée sur les réseaux sociaux et mise à jour régulièrement par les « gilets jaunes », plusieurs centaines de rassemblements sont prévus sur l’ensemble de la France, sans que l’on sache toutefois s’il s’agit de blocages ou de manifestations et combien de personnes seront mobilisées.

Ces actions visent toutefois principalement à perturber ou bloquer notamment les accès aux villes, les rocades et grands axes routiers, des aéroports, des dépôts et raffineries de carburants. Une opération escargot doit également se déployer sur le périphérique parisien avant de rejoindre l’Elysée. Certains appellent aussi à ne pas acheter de tabac, d’alcool ou de carburant, trois des produits les plus taxés par l’Etat.

Anticipant les perturbations, l’usine Toyota d’Onnaing (Nord) fermera ses portes samedi, et dans certaines régions des rencontres sportives locales ont été reportées. Plusieurs associations de cyclistes ont également appelé à des contre-manifestations de « gilets jaunes » à vélo comme à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), Lons-le-Saunier (Jura), Tours et Nantes.

  • Comment se positionne l’opposition ?

L’opposition a dû jouer les équilibristes pour clamer son soutien aux « gilets jaunes » sans être accusée de « récupérer » un mouvement qui se revendique « apolitique » et « citoyen » ni d’encourager à la paralysie du pays.

Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, assure que « l’exécutif n’a pas entendu les Français » et participera à une manifestation dans son département de Haute-Loire. Mais il a bien souligné qu’il n’appelait pas au blocage.

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a affiché son soutien pour les « gilets jaunes » mais ne prendra pas personnellement part à cette journée, laissant ses élus défiler « aux côtés des manifestants ».

A La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon n’a pas appelé publiquement à prendre part aux blocages mais souhaité le « succès » de cette « auto-organisation populaire » émanant d’une « colère juste ».