Des manifestants anti-Brexit, le 15 novembre, à Londres, près du Parlement. / BEN STANSALL / AFP

Jusqu’à présent, Theresa May avait traité par le mépris la revendication d’un second référendum soutenue pourtant par 51 % des Britanniques selon un sondage. Depuis l’annonce de la conclusion d’un accord avec l’Union européenne sur le Brexit, la première ministre cherche à l’utiliser pour la présenter comme une menace. Elle s’y oppose en se posant en défenseuse de la volonté populaire exprimée en 2016 contre les mauvais perdants et ceux qui prétendent que le peuple s’est trompé.

« Le peuple a eu l’occasion de voter. Il n’y a pas lieu d’organiser un deuxième référendum. On a demandé aux gens ce qu’ils pensaient, ils ont dit : “Quittons l’Union européenne.” C’est ce que nous allons faire », a-t-elle déclaré jeudi 15 novembre au cours d’une conférence de presse. Faute d’un soutien à l’accord qu’elle a conclu avec l’UE et annoncé mardi 13 novembre, argue-t-elle, le risque existe que les électeurs pro-Brexit soient dépouillés de leur vote par le biais d’un second référendum. Il n’y aurait alors « pas de Brexit du tout », avertit Mme May.

L’opposition suscitée par l’accord avec l’UE, en augmentant le risque de son rejet par le Parlement lors du vote prévu en décembre, a en même temps rendu plus plausible la perspective d’un second référendum qui proposerait le choix entre quitter l’UE sans accord et y rester. Jeudi, Donald Tusk, président du Conseil européen, a fait écho à cette possibilité en indiquant que l’UE accueillerait favorablement un changement d’avis des Britanniques : « Bien sûr, nous sommes prêts pour un scénario de “non-Brexit” », a-t-il déclaré.

Faisabilité problématique

Dans l’opposition, la direction du parti travailliste n’est pas favorable à un second référendum, sans l’exclure en dernier ressort. Sa faisabilité, notamment en terme de calendrier, est problématique. « On ne peut pas stopper le Brexit », a déclaré au journal allemand Spiegel le leader du parti Jeremy Corbyn, dont l’hostilité à l’UE n’est en outre pas un mystère. Mais le Labour doit gérer un paradoxe : 70 % de ses électeurs ont voté contre le Brexit, mais 70 % des circonscriptions qu’il contrôle ont voté majoritairement pour quitter l’UE.

Le parti est hostile à l’accord avec Bruxelles, porteur selon lui d’incertitudes défavorables à l’emploi, et il défend le maintien permanent du pays dans l’union douanière, voire le marché unique. Pour l’heure, le Labour cherche à pousser Theresa May dans ses retranchements. « Quel est le plan d’urgence de la première ministre pour éviter le désastre d’un “no deal” ? », a interrogé son porte-parole, jeudi 15 novembre.

Jeremy Corbyn a affirmé que le deal de Mme May ne satisfait pas les six critères posés par son parti pour son approbation, dont celui, à peu près inatteignable, d’« apporter exactement les mêmes avantages que l’appartenance actuelle au marché unique et à l’union douanière ». Déjà, avant la publication de l’accord, il était clair que la quasi-totalité des 257 députés du parti allaient voter contre. Seuls certains élus de circonscription très pro-Brexit envisageaient de voter dans le sens de Theresa May.

Serrer les rangs

L’hostilité ouvertement manifestée désormais par de nombreux élus conservateurs à l’égard du texte de la première ministre pourrait amener le Labour à serrer les rangs. L’opposition composite mais conjuguée des élus travaillistes (257), des indépendantistes écossais (35), des libéraux démocrates (12), des dissidents conservateurs (une quarantaine), voire des unionistes nord-irlandais (10) pourrait aboutir au rejet de l’accord par un Parlement qui compte 650 membres.

Plutôt qu’un second référendum, Jeremy Corbyn espère qu’un tel échec de Mme May aboutirait à de nouvelles élections qu’il se fait fort de remporter. Mais, si les rebelles tories peuvent congédier Mme May, et le parti lui désigner un(e) successeur(e), on les voit mal s’allier avec le Labour pour provoquer des élections forcément risquées pour eux, comme l’a montré le scrutin anticipé maladroitement convoqué par Theresa May en juin 2017 dans l’intention de renforcer sa majorité. En la privant au contraire d’une majorité, ces législatives ont affaibli sa position, non seulement au sein de son parti, mais dans les négociations avec l’UE.