Sur l’atoll de Mururoa, où l’armée française a mené 138 tests nucléaires jusqu’en 1996. / GREGORY BOISSY / AFP

Le président de la Polynésie française, Edouard Fritch, a reconnu devant l’assemblée locale, jeudi 15 novembre, avoir « menti » aux Polynésiens sur l’innocuité des essais nucléaires. « Je ne m’étonne pas qu’on me traite de menteur alors que pendant trente ans, nous avons menti à cette population, que les essais étaient propres : nous avons menti, j’ai fait partie de cette bande », a déclaré Edouard Fritch devant les élus de l’Assemblée de la Polynésie française.

Ce mea culpa a aussitôt été suivi d’une charge contre Gaston Flosse, son ancien mentor devenu son principal adversaire politique, inéligible mais présent dans le public au moment de son allocution : « Notre propre leader a vu une bombe péter : lorsqu’on voit une bombe atomique péter, je pense qu’on se rend compte que ça ne peut pas ne pas faire de mal », a poursuivi Edouard Fritch.

« On peut pardonner, mais on n’oubliera jamais »

Le débat portait sur la réforme du statut de la Polynésie française. La majorité d’Edouard Fritch est favorable au maintien d’une large autonomie au sein de la République française. Le Tavini, parti d’Oscar Temaru, souhaite l’indépendance, tandis que le Tahoeraa de Gaston Flosse préfère un statut intermédiaire de pays associé. La majorité des élus polynésiens souhaite que la reconnaissance des conséquences des essais nucléaires figure dans le statut de la Polynésie française.

Le parti indépendantiste a estimé, dans un communiqué, que le peuple polynésien avait été « volontairement sacrifié sur l’autel de la raison d’Etat, pour la seule grandeur de la France ». Pour la première fois de manière aussi explicite, un président autonomiste a reconnu les dégâts causés par trente ans d’essais nucléaires, et la responsabilité des élus locaux : « Avant, peut-être que j’ai vendu mon pays. Avant, peut-être, pendant de longues années. Mais pas aujourd’hui, croyez-moi : je me sens obligé de réparer ce qui a été fait dans ce pays, même si c’est l’Etat français qui l’a fait, mais j’ai besoin de l’Etat français pour réparer », a déclaré Edouard Fritch. « On peut pardonner, mais on n’oubliera jamais », a répondu Antony Géros, président du groupe Tavini à l’Assemblée et proche d’Oscar Temaru. Cent quatre-vingt-treize essais nucléaires ont été réalisés sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, dans l’archipel des Tuamotu, entre 1966 et 1996.