Du papier peint rose sur les murs d’une galerie d’art contemporain, on ne voit pas ça tous les jours. Mais Rrose Sélavy ­(entendre, le « rose, c’est la vie ») : Saâdane Afif a retenu la leçon de Marcel Duchamp, qui en a fait l’une de ses célèbres maximes à triple fond. Pour l’artiste français, titulaire du prix ­Duchamp 2009, l’empereur des avant-gardes du siècle passé est plus qu’un maître, bien plus qu’une obsession. C’est une matrice qui n’en finit pas de produire. Voilà ainsi des années qu’Afif collectionne, par centaines, les reproductions de la fameuse Fontaine datée de 1917, urinoir qui suffit à révolutionner l’art moderne pour les siècles des siècles. A partir de cette singulière collection, il a, comme il le fait souvent, commandé des chansons à des proches, artistes, écrivains, critiques. Puis, pour les rimes nées de l’invitation, un brin salaces (comment ne pas l’être quand on s’inspire d’un tel objet ?), l’artiste a fait tailler, selon une technique préhistorique, dans des os d’oiseaux, une série de flûtes. Chacune n’étant destinée à produire qu’une seule et unique mélodie… Elles seront jouées le 23 novembre, lors d’une performance au Silencio. Comme quoi, un siècle après ses premiers coups d’éclat, Duchamp n’a pas fini de faire chanter son petit monde.

« Musiques pour tuyauterie/Music for Pipes », galerie Mor Charpentier, 61, rue de Bretagne, Paris 3e. Tél. : 01-44-54-01-58. Jusqu’au 22 décembre.