Un député centrafricain, ex-chef de milice Alfred Yékatom, a été extradé samedi vers la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye qui avait émis un mandat d’arrêt dont les motifs n’ont pas été précisés, a déclaré une source gouvernementale. « L’avion vient de quitter Bangui, il arrivera à La Haye vers 21H30 », a précisé cette source à l’Agence France Presse.

Un député centrafricain, ex-chef de milice Alfred Yékatom, a été extradé samedi vers la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye / Gaël Grilhot/ AFP

C’est la première extradition de RCA vers la CPI depuis l’ouverture de l’enquête sur la Centrafrique en septembre 2014 sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui y auraient été commis à partir de 2012.

M. Yekatom, également connu sous le nom de colonel Rombhot, ou parfois « Rambo », est un ex-chef des milices antibalaka, autoproclamées d’autodéfense, du sud du pays. En 2015, il avait été placé sous sanctions du Trésor américain, qui le soupçonnait d’avoir mené des campagnes d’exactions contre des populations musulmanes, d’avoir tué des civils à Mbaiki (sud) et utilisé 153 enfants comme combattants.

La même année, il avait également été mis sous sanctions par l’ONU qui a émis une interdiction de voyager et un gel de ses avoirs. Ancien caporal-chef de l’armée centrafricaine, M. Yekatom avait été élu en 2016 député à l’Assemblée nationale. Il a été arrêté fin cotobre après avoir ouvert le feu dans l’hémicycle lors de l’élection du nouveau président du Parlement.

Dans le centre du pays, 37 morts jeudi

Son extradition vers la CPI intervient alors que le centre et l’ouest de la Centrafrique sont le théâtre de violences meurtrières depuis plusieurs jours. Dans le centre, des combats entre groupes armés ont fait au moins 37 morts jeudi, et dans l’ouest un Casque bleu a été tué vendredi. L’identité des assaillants n’est pas connue, mais la zone où l’attaque a eu lieu, est aussi une région où est très presént depuis le début de l’année, le groupe armé Siriri. Les affrontements qui opposent ce groupe, composé en majorité d’éleveurs peuls, et les Casques bleus sont fréquents. C’est d’ailleurs là aussi qu’a été mortellement blessé un autre Casque bleu en juin dernier.

Dans la capitale aussi, le calme semble précaire. Vendredi soir, une explosion a été entendue dans le quartier qui abrite la majorité des musulmans de Bangui, le PK5, au niveau de la maison d’un chef de milice. Plusieurs sources concordantes ont indiqué que l’explosion aurait été causée par un drone, sans qu’il soit possible de vérifier cette information.

Jeudi déjà, d’autres combats avaient eu lieu dans le centre du pays, à Alindao, durant lesquels au moins une quarantaine de personnes dont deux prêtres avaient été tuées. Un bilan vendredi soir, émanant d’un rapport interne de l’ONU, faisait état de 37 morts, mais d’autres chiffres plus élevés sont avancés, sans qu’il soit possible encore de les confirmer.

Ces combats ont opposé des milices antibalaka, autoproclamées d’autodéfense, à des combattants du groupe armé Union pour la paix en Centrafrique (UPC). L’Eglise catholique, le couvent et le camp de déplacés de la ville ont été brûlés, et des milliers de civils ont dû de nouveau fuir en brousse. Alindao a longtemps été la principale base de l’UPC, un groupe armé dirigé par Ali Darassa, un des principaux groupes de l’ex-coalition Séléka qui avait renversé le régime de François Bozizé en 2013.

Des milliers de civils ont dû fuir en brousse

Jeudi toujours, le Conseil de sécurité de l’ONU a débattu à New-York du renouvellement de la mission onusienne en Centrafrique, la Minusca, présente depuis 2014 et qui fait l’objet de nombreuses critiques en raison de son incapacité à faire face aux violences. A ces critiques s’est ajoutée une querelle entre la Russie, les Etats-Unis et la France à propos d’un projet de résolution déposé par Paris.

Celui-ci dénonçait les récentes tentatives russes d’organiser des accords de paix parallèles à l’initiative de l’Union africaine (UA), qui est « le seul cadre » possible pour une parvenir à une solution. En réponse, Moscou a estimé que la France devait laisser de côté ses « intérêts nationaux paroissiaux » en Centrafrique, ancienne colonie où Paris a toujours été présent militairement depuis l’indépendance en 1960.

Moscou, en pleine offensive diplomatique dans le pays depuis début 2018, a engagé durant l’été une médiation entre groupes armés, parallèle sinon concurrente de celle de l’Union africaine, avec une réunion fin août à Khartoum.

Le projet de résolution n’a pas été adopté, et le Conseil a voté à l’unanimité pour étendre d’un mois le mandat de la mission, en attendant un nouveau vote le 15 décembre pour l’adoption d’une nouvelle résolution.