Le sacre au bout de la dernière ligne droite. Ou presque. Sébastien Ogier a dû attendre la 13e et ultime épreuve du championnat du monde des rallyes (WRC), en Australie, pour décrocher, dimanche 18 novembre, un nouveau titre mondial. Le sixième pour le pilote français (M-Sport Ford), qui, cette saison, n’est pas vraiment apparu dans un rôle de favori, mis à mal à la fois par le Belge Thierry Neuville (Hyundai) et l’Estonien Ott Tänak (Toyota).

Avec ce sixième sacre mondial, Sébastien Ogier prolonge la suprématie française sur le championnat du monde des rallyes (WRC), née du record absolu établi par Sébastien Loeb, neuf fois champion de 2004 à 2012. Un Sébastien Loeb avec qui il est sans cesse comparé et qui continue, d’ailleurs, à lui faire de l’ombre. Au point que les deux pilotes pourraient bien se retrouver la saison prochaine chez Citroën, l’écurie de leurs débuts, qu’Ogier avait quittée, fin 2011, en claquant la porte à cause d’une cohabitation difficile avec... Loeb.

Cartes rebattues après l’été

« Je n’envisage pas de perdre ce titre », avait affirmé Sébastien Ogier dans AutoHebdo, à la veille de la première spéciale en Australie. Arrivé 5e de l’épreuve dimanche, il a bénéficié des abandons de ses rivaux directs, Thierry Neuville et Ott Tänak, dans les dernières « spéciales ». Au classement final du championnat du mnde, le Français devance Neuville de 18 points et Tänak de 38 points.

Mais si, officiellement, le Français n’a jamais paru douter, sa saison a longtemps paru mal engagée. A l’abord de la trêve estivale, le championnat semblait même acquis à Thierry Neuville : celui-ci devançait Ogier de 27 points.

C’était sans compter sur le retour dans le jeu d’Ott Tänak, l’abandon de Thierry Neuville en Turquie mi-septembre, et l’incroyable victoire en Catalogne, le 28 octobre, d’un Sébastien Loeb, ex-retraité des rallyes, abandonnant quelques instants le rallycross pour faire une « pige » pour Citroën. Autant d’événements qui ont totalement rebattu les cartes.

En l’espace de trois courses, le Belge a vu son avance grignotée par le Français au point de se retrouver 3 points derrière Ogier à la veille de l’étape australe. La confiance avait changé de camp.

« Il n’y a pas si longtemps on se disait que le titre serait dur à remporter mais on n’a jamais baissé les bras, a d’ailleurs admis Ogier, après la course dimanche, au côté de son copilote Julien Ingrassia. Quelle saison incroyable ! Ça a été très serré, avec des hauts et des bas. »

Deuxième pilote de l’histoire

Ce sixième titre mondial changera-t-il le regard porté sur Ogier ? En janvier, l’intéressé déclarait au Monde qu’il trouvait « quand même dommage qu’un titre de champion du monde de rallye pour un Français soit devenu banal ».

« Les statistiques ne sont pas ma première préoccupation, mais je suis quand même le deuxième pilote de l’histoire en termes de titres mondiaux et de victoires en rallyes [44, derrière Sébastien Loeb, 79] et le troisième à être sacré avec deux marques différentes [Volkswagen de 2013 à 2016, M-Sport en 2017]. Ces résultats montrent quelque chose », argumentait-il.

Ogier se situe désormais à trois couronnes derrière un Sébastien Loeb, qui reste toutefois indétrônable tant dans le cœur des fans que sur la piste. Une fatalité à laquelle Sébastien Ogier semble résigné, comme il l’expliquait à AutoHebdo le 14 novembre : « Quelle que soit la discipline, il n’est jamais évident d’arriver après un tel champion. Prenons [en F1] Sebastian Vettel en Allemagne. Il est populaire, mais cela n’a rien à voir avec Michael Schumacher. Des Schumacher, il y en a un et il n’y en aura pas deux ! C’est comme ça… »

« Saison compliquée »

L’histoire commune entre les deux « Seb » est loin d’être terminée. Déçu par Ford cette saison, Sébastien Ogier s’est tourné vers Citroën durant la trêve. A la tête de l’écurie, Pierre Budar n’a pas hésité, pour le convaincre, à lui laisser essayer sa C3 WRC – près de Perpignan dans l’Aude, à la fin de l’été, un fait rarissime. Marché conclu. Sébastien Ogier a signé pour les deux ans à venir avec la marque aux chevrons, pourtant dernière au classement constructeurs.

« On a eu une saison difficile, très compliquée. On travaillait dans l’ombre, on faisait un travail de fond et on savait qu’il finirait par être payant », raconte Pierre Budar, joint en Australie le 14 novembre. Sébastien Loeb a prouvé en Catalogne que la seule chose qui manquait à Citroën pour sortir du gouffre, c’était un bon pilote.

« Evidemment, Seb l’a forcément démontré, reconnaît Pierre Budar. Mais on n’a pas attendu la Catalogne pour s’en apercevoir puisque l’on avait déjà finalisé nos recrutements de 2019 [avec également le Finlandais Esapekka Lappi]. Quelque part, Sébastien Loeb est venu confirmer notre stratégie. »

De là à attirer à nouveau dans l’écurie un Loeb qui s’interroge sur son avenir depuis l’annonce du retrait de Peugeot Sport du Championnat du monde de rallycross (WRX), où il évoluait depuis trois saisons ? « C’est sûr que je me rends compte que c’est en rallye que ça va le mieux pour moi. Ça reste la discipline pour laquelle je suis fait. Mais je n’ai pas spécialement envie de refaire une saison complète », a déclaré l’intéressé, fin octobre, après sa victoire en Catalogne.

Chez Citroën, on assure que la priorité absolue de 2019 est de remporter le titre avec Sébastien Ogier. « Tous nos choix à venir seront dictés à l’aune de cette priorité », insiste Pierre Budar. Toutefois, ajoute-t-il, « cela ne remet pas en cause l’intérêt de Citroën pour Sébastien Loeb », mais le conditionne : « A-t-on une troisième voiture à faire rouler ou pas ? » 

M-Sport Ford a déjà approché le Français, qui déclarait fin octobre que « cela fait [quinze] ans que les Français sont champions du monde en rallye » et que « ça serait bien que ça continue ». Une tâche difficile face au Belge Thierry Neuville (qui a resigné pour trois ans avec Hyundai) et à l’Estonien Ott Tänak (Toyota), toujours en quête de leur première couronne.

Classements WRC 2018.
Pilotes

1. Sébastien Ogier (FRA/Ford) 204 points.
2. Thierry Neuville (BEL/Hyundai) 201
3. Ott Tänak (EST/Toyota) 181
4. Esapekka Lappi (FIN/Toyota) 110
5. Jari-Matti Latvala (FIN/Toyota) 102
6. Andreas Mikkelsen (NOR/Hyundai) 84
7. Dani Sordo (ESP/Hyundai) 71
8. Elfyn Evans (GBR/Ford) 70
9. Craig Breen (IRL/Citroën) 61
10. Hayden Paddon (NZL/Hyundai) 55

Constructeurs
1. Toyota 331 points.
2. Hyundai 319
3. M-Sport Ford 306
4. Citroën 216