Chaque semaine, un témoignage sur les difficultés d’orientation avec La Zep

Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants sur leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Axel, qui s’est inscrit en fac de lettres après un bac pro.

Quand j’étais au collège, tout ce qui venait après le lycée me paraissait très lointain, voire inaccessible. Je voyais les étudiants comme des « intellos ». Jamais je n’aurais pu me penser leur égal et entrer à l’université.

La conseillère d’orientation me voyait en CAP [certificat d’aptitude professionnelle], alors que j’étais attiré par la littérature. Elle ne voyait que mes capacités immédiates. Un bac pro systèmes électroniques et numériques a fini par faire consensus, entre ma volonté d’aller en L et la sienne.

J’en voulais à ce système scolaire. Mais au lycée, une documentaliste et une professeuse de français/histoire-géo ont réussi à canaliser ma révolte. Elles m’ont aidé à valider mon bac et à préparer la suite, en me donnant du travail supplémentaire et des conseils de lecture. Et finalement, après m’être ennuyé pendant trois ans au lycée et obtenu mon bac pro, je suis arrivé à l’université, en licence de lettres modernes.

J’ai assez mal vécu cette première année. On m’a envoyé sur le campus d’Aix-en-Provence, alors que j’aurais dû aller sur le campus de Marseille, beaucoup plus proche de chez moi, ce qui m’aurait évité quatre heures de train quotidien avec des retards que les habitants de la région PACA connaissent bien. En apprenant que le campus marseillais disposait aussi d’une licence de lettres modernes, j’ai voulu changer. Mais dans ce labyrinthe administratif, j’ai fini par baisser les bras. J’ai pris une sorte d’année sabbatique : dès qu’un train sautait, mes cours aussi. Et j’ai redoublé ma L1, cette fois-ci à Marseille, où j’ai pu me loger à l’aide du Crous.

Mais je n’étais pas au bout de mes peines. Pendant les années qui ont suivi, il a fallu affronter les critiques acerbes de certains professeurs : « Vous n’y arriverez jamais », « Vous n’avez pas les capacités »… Ils n’avaient pas complètement tort : mes difficultés d’adaptation ont été sérieuses. Mais je n’étais pas le seul. Beaucoup de celles et ceux qui venaient d’un bac L n’avaient pas non plus le niveau demandé, et ne maîtrisaient pas les méthodes de prise de notes et de dissertation. Fort heureusement, de rares profs dévoués ne lésinaient pas sur les heures supplémentaires pour nous donner des conseils et des fiches de méthodes. Et c’est ainsi que j’ai appris, en même temps que tout le monde, les indispensables de la réussite universitaire.

Finalement, malgré les difficultés, j’ai validé ma licence de lettres. Ma rencontre avec deux professeurs d’université m’a donné envie de continuer, et d’assumer ma place. Cela n’avait rien d’évident. Non seulement je venais d’un bac pro, donc d’une filière manuelle plus qu’intellectuelle, mais en plus, personne dans ma famille n’était allé à l’université. Ces professeur·e·s m’ont permis de me sentir plus légitime, de moins me dévaloriser, et de tenir bon. Jamais je n’oublierai cette phrase : « Cela fait plaisir de vous avoir en cours. Vous avez une curiosité et une sensibilité pour la littérature que tous vos camarades n’ont pas ! »

Depuis, j’ai validé mon master 1 en arts, lettres et civilisations. Je suis en ce moment en master 2, dans un parcours recherche. En parallèle, je suis journaliste pour la radio RCF Sarthe pour toute l’année à venir, dans le cadre d’un service civique. Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent, je le dois beaucoup à cette documentaliste de lycée et ces enseignants. Ils m’ont transmis le plaisir d’apprendre et les joies de la littérature. J’espère qu’un jour je pourrais les rendre fièr·e·s.

La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur Le Monde Campus et sur la-zep.fr.