Les « gilets jaunes » poursuivaient, lundi 19 novembre, les opérations de blocage pour la troisième journée consécutive, ciblant principalement des autoroutes mais aussi des dépôts pétroliers, tandis que le gouvernement affichait son inflexibilité sur sa politique économique.

Regrettant les différents débordements, Christophe Castaner a annoncé lundi soir qu’une personne est morte, 528 blessées, dont 17 grièvement, lors de ces manifestations depuis samedi. Quatre-vingt-douze personnes ont également été blessées parmi les forces de l’ordre, a aussi dit le ministre de l’intérieur, qui a annoncé des actions de déblocage.

« J’en appelle à la responsabilité et au respect mutuel », a réclamé le ministre de l’intérieur. « La liberté d’expression et de manifestation est un droit fondamental », a déclaré Christophe Castaner. « Mais cette liberté n’a pas vocation à durablement empêcher la liberté de circulation et entraver la vie commerciale et économique », a-t-il regretté.

Le ministre de l’intérieur a appelé lundi soir « ceux qui veulent manifester » à le faire « sans bloquer, sans entacher la liberté commerciale, économique ». « Les opérations de déblocage vont se poursuivre avec la fermeté nécessaire pour rétablir l’essence des besoins de notre pays : l’ordre républicain », a-t-il affirmé.

« On tiendra bon »

Environ 20 000 manifestants étaient rassemblés en 350 endroits, a annoncé un peu plus tôt sur BFM-TV Frédéric de Lanouvelle, le porte-parole du ministère de l’intérieur, contre 290 000 sur plus de 2 000 sites recensés samedi. Au cours du week-end, endeuillé par la mort d’une femme « gilet jaune » percutée par une automobiliste, 183 personnes ont été placées en garde à vue.

Alors que de nombreux points de rassemblement, péages, stations-service, entrées des autoroutes ou centres commerciaux, avaient été évacués lundi dans la matinée par les forces de l’ordre, certains « gilets jaunes » ont réinvesti les lieux l’après-midi.

C’est le cas au pont d’Aquitaine sur la Garonne où les manifestants, qui avaient installé un barrage filtrant, ont joué au chat et à la souris toute la journée avec les forces de l’ordre. Ils ont été délogés en fin de journée. « On a été chassé dimanche On est revenu, on se refait chasser [lundi], mais c’est pas grave, on tiendra bon, on va encore revenir à la charge », assurait un manifestant.

Plusieurs dépôts pétroliers sont, par ailleurs, désormais ciblés, notamment à Port-la-Nouvelle (Aude), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), Frontignan (Hérault), Portes-lès-Valence (Drôme) et Valenciennes (Nord). Des blocages confirmés par le groupe Total, principalement dans le Sud et l’Ouest.

Des organisations patronales ont mis en garde contre « un blocage de l’économie ». Droite et gauche ont critiqué, de leur côté, un exécutif inflexible après les propos du premier ministre la veille assurant qu’il tiendrait « le cap », tout en affirmant avoir entendu la « colère » et la « souffrance » des manifestants. « Je fais 90 kilomètres tous les jours et ma femme ne travaille pas. On vit avec mon seul salaire. On dépense 150 euros d’essence par mois, ça devient insoutenable », confiait Fabien, près d’un dépôt à Fos-sur-Mer.

Le ton se durcit

Mais trois jours après le début de ce mouvement inédit, le ton se durcit : en Haute-Saône, le blocage des routes « sera désormais sanctionné », a annoncé, lundi, le procureur de la République à Vesoul.

Un « gilet jaune » a été condamné, lundi, par le tribunal correctionnel de Strasbourg à quatre mois de prison ferme pour mise en danger de la vie d’autrui et entrave à la circulation. Ce soudeur de 32 ans était poursuivi pour avoir formé samedi une chaîne humaine sur l’autoroute A35 à Strasbourg et traversé le terre-plein central avec quatre autres « gilets jaunes ». Un « gilet jaune » a été condamné lundi à quatre mois d’emprisonnement avec sursis pour « rébellion », « outrage » et « menaces » envers deux gendarmes, après avoir participé samedi à une action à Loudéac (Côtes-d’Armor), a-t-on appris auprès du parquet de Saint-Brieuc.

Un « gilet jaune » a été arrêté et placé en garde à vue après avoir frappé lundi après-midi un lieutenant de gendarmerie à Viry-Noureuil (Aisne).

A l’initiative de ce mouvement protéiforme et sans leadeur identifié, des membres de la société civile qui ont appelé sur les réseaux sociaux à des actions contre la hausse du prix des carburants. Les motifs de grief se sont ensuite élargis à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement en matière de taxation et de la baisse du pouvoir d’achat.

Opérations escargot et barrages filtrants

Les actions se poursuivaient un peu partout en France, avec des opérations escargot notamment en Seine-Maritime et dans la Sarthe, ou des barrages filtrants vers Bourges, Vierzon, Romorantin, Laval ou Gaillac (Tarn). De longues files d’attente de poids lourds se formaient aux abords des péages, des bretelles d’entrée ou de sortie d’autoroute ou des ronds-points.

A La Réunion, après une nuit émaillée de violences, l’ambiance restait tendue avec 31 barrages installés.

En Bretagne, une vingtaine d’opérations étaient en cours en fin d’après-midi. En Normandie, dans le Cher et en Loire-Atlantique, plusieurs dizaines de blocages étaient également recensés.

Même situation dans l’est de la France : des dizaines de barrages filtrants et quelques zones de blocage sur des axes secondaires dans les départements du Grand Est (19 dans les Vosges, 9 dans le Haut-Rhin, 9 dans le Bas-Rhin, 14 en Meurthe-et-Moselle, 4 en Haute-Saône, 18 dans la Meuse, rapportent les différentes préfectures).

Alors que plusieurs préfectures continuent à faire état de blessés légers, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, a rappelé que les forces de l’ordre devaient « intervenir à chaque fois que des axes structurants sont bloqués ou qu’il y [avait] des violences ». A Calais, les CRS tentaient en fin de journée de déloger des « gilets jaunes » ayant installé des barrages sur les ronds-points des hypermarchés, dans un climat tendu.

De source policière, à l’un de ces barrages, un routier a tenté de forcer le passage, avant d’être pris en chasse par un motard de la police, qui a ensuite heurté une voiture. Le policier blessé a été transporté à l’hôpital. Un motard renversé lundi matin dans la Drôme se trouvait, lui, « entre la vie et la mort », selon Frédéric de Lanouvelle.

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web