Des gendarmes font face à un blocage de « gilets jaunes » près de Caen, dimanche 18 novembre. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Peu de casse mais un bilan humain très lourd, avec une femme décédée et quelque 400 personnes blessées dont 14 gravement. Voici le bilan très contrasté sur le plan sécuritaire du grand rassemblement des « gilets jaunes », qui a début samedi 17 novembre et s’est prolongé par endroits sur la journée de dimanche. Le mouvement représentait un premier défi de maintien de l’ordre, pour le nouveau binôme à la tête du ministère de l’intérieur.

La forme inédite de mobilisation avait compliqué le travail de préparation des forces de l’ordre. Un grand nombre de rassemblements n’avaient pas été déclarés en préfecture. C’est d’ailleurs sur l’un de ces blocages illégaux, et donc non sécurisé par la police, que l’accident entraînant la mort d’une manifestante en Savoie s’est déroulé.

Le renseignement territorial avait scruté toute la semaine les réseaux sociaux, sur lesquels s’étaient organisées les actions, pour tenter de planifier le dispositif. Si Christophe Castaner avait tenu un discours ferme en amont du 17 novembre contre les blocages, les forces de l’ordre ont privilégié sur le terrain l’encadrement des rassemblements plutôt que la dispersion des individus. En de nombreux points de blocage, on a pu voir les policiers ou les gendarmes collaborer avec les manifestants afin d’organiser le passage des véhicules.

La situation s’est quelque peu tendue aux abords de l’Elysée, où certains voulaient se rendre. Si la descente des Champs-Elysées s’était déroulée dans le calme, les plus enhardis ont ensuite été bloqués par le dispositif de sécurité encadrant le Palais, avec l’usage limité de gaz lacrymogènes. Pour minimiser le caractère exceptionnel d’une telle marche sur le lieu symbole du pouvoir exécutif, on rappelle côté Beauvau que les manifestants n’ont pas essayé de franchir le cordon de police, contrairement par exemple à l’ère Sarkozy, quand les Jeunes agriculteurs avaient déversé de la paille devant la grille du Château.

Agression homophobe dans l’Ain

« La difficulté, c’est lorsque ceux qui se mobilisent ne sont pas des personnes qui ont l’habitude de manifester ,et donc d’encadrer, que les manifestations ne sont pas déclarées », explique-t-on à Beauvau où on note le caractère plutôt « bon enfant » et « tranquille » de la plupart des actions, « même si, en fin de journée en particulier, on a pu noter des tensions ». De nombreux dérapages ont été observés, souvent des accrochages avec des citoyens refusant d’être bloqués. Une agression homophobe aurait eu lieu dans l’Ain et selon le Courrier picard une automobiliste musulmane aurait été forcée de retirer son voile. Dans l’Aube, une intrusion dans la préfecture a provoqué des dégâts. Une fois la nuit tombée, le niveau de violence est monté d’un cran.

Du côté des policiers, des gendarmes et des pompiers, le bilan est conséquent – au moins 28 blessés dont plusieurs gravement –, d’autant plus qu’il y a eu peu d’affrontements directs avec les manifestants. La bienveillance entre les forces de l’ordre et les manifestants tranchait ainsi avec les images habituelles des journées de mobilisation sociale, avec des échauffourées en fin ou en tête de cortège.

La bataille de l’image était d’ailleurs au cœur de cette journée du 17 novembre. Pour les manifestants, qui voulaient se montrer sous un jour positif, mais aussi pour Christophe Castaner qui avait l’obligation de réussir ce premier test. Le ministre a choisi de personnaliser toute la communication autour de la sécurité, avec des points d’actualité face caméra, diffusés au fur et à mesure de la journée. Si le nouveau patron de Beauvau a donné l’impression de maîtriser la situation samedi, il est désormais confronté à un deuxième défi, plus large : celui de la persistance diffuse de la mobilisation sur l’ensemble du territoire.