Se sentant « méprisés » et « oubliés » par le gouvernement, les infirmières et les infirmiers se rebiffent. Qu’ils exercent en libéral ou en salarié, les 660 000 membres de cette profession ont été invités par seize de leurs organisations syndicales à se rassembler, mardi 20 novembre, devant les préfectures de région ou devant le ministère de la santé, à Paris, afin de médiatiser leur « malaise » et faire entendre leurs revendications. Une journée de mobilisation que les représentants des blouses blanches, réunis pour une conférence de presse lundi derrière le slogan « infirmières oubliées », ont tenu à dissocier du mouvement des « gilets jaunes ».

Premier motif de colère : le silence du président Emmanuel Macron sur la place et le rôle de cette profession dans la réforme du système de santé, lors de la présentation du plan « Ma santé 2022 », le 18 septembre à l’Elysée. « Nous avons le sentiment que notre profession a été la laissée pour compte de ce grand plan qui n’intéresse que les médecins », a fait valoir Daniel Guillerm, le vice-président de la fédération nationale des infirmiers (FNI).

Dans le viseur des infirmiers, l’annonce de la création de 4 000 postes d’assistants médicaux, formés en un an, pour venir seconder les médecins libéraux en les déchargeant de tâches médicales simples, comme la prise de tension, et ainsi leur libérer du temps médical. Coût annuel de la mesure, dans un premier temps, pour la Sécurité sociale : près de 200 millions d’euros.

« Détournement de fonds »

« Nous sommes choqués par ce détournement de fonds venant des cotisations d’assurance maladie pour des gens qui n’ont pas de souci financier », assure Thierry Amouroux, le président du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC). « Il aurait été plus cohérent de consacrer cet argent à créer des postes en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), lieu où les conditions de travail sont exécrables », font valoir les seize organisations dans un document commun.

La mesure irrite d’autant plus les représentants syndicaux qu’ils ont été confrontés, dans le même temps, à un refus de voir officiellement reconnaître certaines compétences chez les infirmiers. « Il y a des choses que l’on fait au quotidien et qui ne sont pas reconnues, comme l’adaptation de doses de certains médicaments tels que l’insuline, parce que les médecins ne sont pas là le week-end ou parce que certains patients n’ont pas de médecin traitant », explique John Pinte, le vice-président du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL). Il regrette les « blocages des médecins » empêchant la reconnaissance, dans le cadre de protocoles officiels, de ces pratiques.

Dégradation des conditions de travail

La possibilité pour les pharmaciens de vacciner en officine contre la grippe, expérimentée en 2018 dans quatre régions et généralisée en 2019 sur tout le territoire, est également vécue comme une forme d’injustice par les infirmiers. M. Pinte ajoute :

« Les infirmiers ont perdu énormément d’actes de vaccination là où les pharmaciens ont pu les réaliser, sans que cela ait amélioré la couverture vaccinale. »

Quant à la création d’infirmiers de pratiques avancées (IPA), qui pourront réaliser des actes dévolus jusqu’ici aux seuls médecins, elle est vécue comme bien « insuffisante » par les représentants syndicaux. Pour Daniel Guillerm, « le décret est resté au milieu du gué : dans le cadre de ces pratiques avancées, les infirmiers sont toujours sous le joug du corps médical, il n’y a quasiment aucune émancipation de la profession au travers de ce statut ».

« On a des situations d’épuisement professionnel qui se multiplient »

La dégradation des conditions de travail, notamment à l’hôpital, qui avait constitué le principal motif de protestation lors de la précédente journée de mobilisation infirmière en novembre 2016, figure toujours en bonne place parmi les revendications deux ans plus tard. « On a des situations d’épuisement professionnel qui se multiplient, on ne nous donne pas les moyens d’exercer correctement », lance Nathalie Depoire, la présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI). Comme il y a deux ans, les syndicats infirmiers demandent donc que des moyens financiers soient accordés aux établissements de soins, de manière à ce que des effectifs proportionnels aux charges de travail puissent être mis en place.