Carlos Ghosn, le 1er octobre 2018. / Regis Duvignau / REUTERS

Son salaire a toujours fait jaser. Nissan a annoncé, lundi 19 novembre, que son président non exécutif, Carlos Ghosn, a « pendant de nombreuses années déclaré des revenus inférieurs au montant réel ». « En outre, de nombreuses autres malversations ont été découvertes, telles que l’utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles », ajoute le groupe. En conséquence, son conseil d’administration proposera que M. Ghosn quitte rapidement son poste de président.

Ces annonces viennent confirmer des informations du quotidien japonais Asahi Shimbun, qui précisait plus tôt dans la matinée que le PDG de Renault était interrogé lundi matin par le parquet de Tokyo pour violation présumée de la réglementation japonaise sur les instruments financiers et les changes.

Selon le quotidien nippon, le patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est soupçonné d’avoir minoré une partie de sa rémunération, issue de l’achat et de la vente d’actions. La somme pourrait concerner plusieurs centaines de millions de yens (centaines de milliers d’euros). A l’issue de l’interrogatoire, le patron pourrait être emprisonné. Le chef d’entreprise a accepté de collaborer avec la justice, assure l’Asahi Shimbun.

Lundi matin, les investisseurs ont immédiatement réagi à cette annonce. En Allemagne, le titre Nissan a dévissé de 11,3 % dans les minutes qui ont suivi les premières informations, encore parcellaires. A la Bourse de Paris, l’action Renault a, elle, chuté de 12 %. La valeur boursière du constructeur français a perdu plus de 1 milliard d’euros, pour revenir à 17,9 milliards d’euros, son plus bas niveau depuis janvier 2005. En six mois, la capitalisation du groupe tricolore a diminué d’un tiers.

Un des patrons les mieux payés de l’Archipel

Au Japon depuis 1999, Carlos Ghosn a été le principal artisan du sauvetage du constructeur japonais, au bord de la faillite. Entouré d’une petite équipe de cadres venus de Renault, il a restructuré la société et l’a progressivement rapprochée opérationnellement de la forme au losange au sein d’une alliance industrielle globale. Après ce sauvetage, M. Ghosn est devenu une véritable idole au Japon, au point de devenir un personnage de manga.

Longtemps, il a été l’un des patrons les mieux payés de l’Archipel, avec une rémunération – incorporant un salaire fixe, variable et des stock-options – supérieure à 9 millions d’euros par an. En 2017, cependant, sa rémunération a baissé, quand il a abandonné sa fonction de directeur général chez Nissan. Il a touché l’équivalent de 5,6 millions d’euros pour son travail chez le constructeur japonais, selon le cabinet Proxinvest. Chez Renault, le patron de l’alliance Renault-Nissan doit en revanche obtenir, pour l’exercice 2017, 7,4 millions d’euros.

Depuis plusieurs années, la rémunération du patron suscite de nombreuses polémiques, en France, l’Etat – qui détient toujours 15 % de Renault – refusant systématiquement de voter en faveur de la rémunération de M. Ghosn lors des assemblées générales. En 2016, les actionnaires avaient même voté contre lors de l’AG, un vote que le conseil d’administration n’avait pas suivi.

La nouvelle pourrait-elle accélérer la succession de M. Ghosn à la tête de Renault ? Depuis février, le groupe français était entré dans une période de transition. Un numéro deux chez Renault avait été désigné pour la première fois depuis 2013, en la personne de Thierry Bolloré, nommé directeur général adjoint.

Contactés par Le Monde, les services du ministère de l’économie, qui gèrent la participation de l’Etat dans Renault, n’ont pas souhaité faire de commentaires. Tout comme Renault, Nissan France et Nissan Europe.