Soupçonné d’avoir fraudé le fisc japonais et utilisé des fonds du constructeur automobile Nissan à des fins personnelles, le président de l’entreprise, Carlos Ghosn, a été arrêté lundi 19 novembre. Celui qui était considéré, à 64 ans, comme l’un des plus puissants capitaines d’industrie du monde est désormais lâché de toutes parts et est actuellement détenu à Tokyo, au Japon.

Depuis 2005, le cabinet de conseil et d’analyse financière Proxinvest alerte sur l’opacité entourant la rémunération des dirigeants de Renault. Loïc Dessaint, son directeur général, réagit à l’arrestation de Carlos Ghosn, PDG du groupe.

Que vous inspirent ces événements ?

Je suis choqué. Selon Nissan, M. Ghosn a dissimulé au fisc japonais et aux actionnaires de Nissan, et donc à Renault, le premier d’entre eux, la moitié de sa rémunération locale, évaluée à 39 millions d’euros pour les années allant de 2010 à 2015. Par ricochet, Renault a mal informé ses actionnaires en reproduisant des données qui semblent erronées. En y ajoutant de possibles abus de biens sociaux, le dossier semble particulièrement lourd et les sanctions encourues sont également très importantes [M. Ghosn encourt jusqu’à dix ans de prison].

Etes-vous surpris de tels agissements ?

Pas totalement ! Depuis sa nomination à la présidence de Renault, en 2005, nous avons demandé de manière répétée le détail de sa rémunération chez Nissan, puisqu’il y conservait le poste de PDG à l’époque. Aux diverses assemblées générales, la réponse était constante : tout ce que vous devez savoir est dans le document de référence. Mais il n’y avait rien sur ce point précis. A partir de 2010, après une modification de la loi japonaise, le montant était communiqué. Cependant, le conseil d’administration de Renault n’a pas montré beaucoup de zèle pour en savoir plus…

Le conseil d’administration de Renault a-t-il été laxiste ?

Il n’a été ni curieux ni courageux. Quand nous lui demandions quel était le régime fiscal de M. Ghosn, la réponse était toujours la même : « Nous n’en savons rien. » A mesure que le débat sur sa rémunération est monté, une forme de clanisme est apparue au sein du conseil avec d’un côté l’Etat, qui souhaitait limiter la rémunération du dirigeant, et de l’autre une grande partie du conseil, dont les administrateurs indépendants, qui soutenait le dirigeant. Les administrateurs indépendants n’ont clairement pas fait le boulot.

Pis, ils ont validé sans sourciller l’accord de stabilisation de l’alliance, la nouvelle convention liant l’Etat, Renault et Nissan en 2016. Afin d’appliquer, à la demande de l’Etat, le principe du vote double pour ceux qui détiennent des actions depuis plus de deux ans, le conseil de Renault s’est engagé à voter au sein du conseil de Nissan comme ce dernier. En clair, bien que détenteur de 43 % du capital de Nissan, Renault renonce à ses droits !

Comment voyez-vous l’avenir de l’alliance Renault-Nissan ?

Je pense que les deux sociétés ont intérêt à coopérer pour poursuivre leur développement. C’est à l’Etat français, à Renault et à Nissan de se mettre d’accord sur une direction partagée pour poursuivre cette alliance internationale. Mais cette alliance pose tout de même des questions quant à sa gouvernance. Aujourd’hui, le fonctionnement de Renault-Nissan BV, la coentreprise installée aux Pays-Bas qui chapeaute l’alliance, est très opaque. Dans cette société, le conseil d’administration est divisé entre représentants de Renault et de Nissan… Il n’y a pas d’administrateur indépendant, bref aucun contre-pouvoir.