Des soldats maliens à l’aéroport de Mopti, le 14 octobre 2018. / MICHELE CATTANI / AFP

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) s’est alarmée, mardi 20 novembre, de la situation dans le centre du Mali, en proie aux exactions de djihadistes mais aussi de milices communautaires et de l’armée. Elle a appelé le pouvoir à changer d’approche et à lutter contre l’impunité.

« C’est une situation très inflammable, très préoccupante, par les violations extrêmement importantes des droits de l’homme qui sont commises », a relevé le président d’honneur de la FIDH, Patrick Beaudoin, lors d’une conférence de presse à Paris. La FIDH a présenté à cette occasion un rapport accablant réalisé avec son antenne locale, l’AMDH, et s’appuyant sur 120 interviews de victimes, témoins, responsables locaux et anciens djihadistes.

Cette région aux confins du delta du fleuve Niger concentre désormais 40 % des attaques du pays, selon l’ONG. Quelque 500 civils y ont été tués entre janvier et août, victimes d’exécutions sommaires, tortures et disparitions forcées, estime-t-elle. Des dizaines de villages ont été brûlés, assiégés, leurs habitants pourchassés. Près de 30 000 personnes ont ainsi été déplacées depuis deux ans.

Colère des bergers peuls

Les changements climatiques réduisent l’accès aux ressources naturelles et attisent les tensions communautaires entre Peuls, traditionnellement éleveurs, et les ethnies bambara et dogon, pratiquant majoritairement la culture ; un terreau propice aux djihadistes regroupés au sein de la katiba Macina, dirigée par le prédicateur Amadou Koufa. La colère des bergers peuls nomades a été « canalisée par ce prêcheur charismatique », observe Florent Geel, responsable Afrique à la FIDH. « Fort de ses connections avec [le chef djihadiste du nord] Iyad Ag Ghaly, il a fait entrer cette révolte paysanne locale dans le djihad global », dit-il.

Les djihadistes se sont attaqués à tous les symboles de la présence étatique (enseignants, forces de sécurité, juges…), avant de se substituer à ce vide en imposant la charia, « de façon plus ou moins rigoureuse », et leur propre justice, « aujourd’hui plus efficace que la justice civile », constate Florent Geel. Mais ils ont aussi « imposé la terreur », exécutant sommairement ceux qu’ils soupçonnent d’être contre eux et « assiégeant pendant des semaines, voire des mois, les villages récalcitrants », poursuit-il.

Des milices sont aussi apparues dans ce vide sécuritaire, alimentant les violences intercommunautaires qui ont fait au moins 287 morts sur les seuls mois d’avril à juin, selon la FIDH. « Ces milices ne luttent pas contre les djihadistes mais contre les populations civiles supposées soutenir les groupes armés djihadistes », pointe Florent Geel.

« Caravane de la mort »

Face à ce déchaînement de violence, le premier ministre, Soumeylou Boubeye Maïga, a apporté une réponse « essentiellement sécuritaire » en mobilisant 4 000 hommes, déplore la FIDH. « Cela s’est soldé par une caravane de la mort », dénonce Florent Geel. Au moins 67 hommes, tous de l’ethnie peule, ont été exécutés sommairement par des militaires au cours de six opérations ciblées entre février et juillet. « Aujourd’hui, pour l’armée malienne, un bon Peul est un Peul mort, et tout Peul est terroriste », accuse-t-il.

La seule réponse sécuritaire ne pourra suffire, avertit la FIDH, qui appelle à une justice exemplaire pour les auteurs d’exactions, quel que soit leur camp. « Force est de constater que les poursuites ne sont pas au rendez-vous pour les forces armées », déplore Patrick Beaudouin, pour qui certaines exactions de militaires relèvent de crimes de guerre. « La lutte contre l’impunité est devenue un slogan de tous les dirigeants maliens. Maintenant, nous voulons que cela soit une réalité », renchérit le président de l’AMDH, Moctar Mariko, à Bamako.