Au moins huit personnes ont été blessées, mardi 20 novembre à Misrata, métropole portuaire de la Tripolitaine, dans l’ouest de la Libye, lors d’une intervention des forces de sécurité visant à déloger les 77 migrants d’un navire commercial bloqué à quai depuis neuf jours. Les unités libyennes, armées et cagoulées, selon un témoin, ont fait usage de balles en caoutchouc lors de leur irruption à bord du Nivin, un bâtiment battant pavillon panaméen dont les migrants avaient pris le contrôle afin de protester contre leur refoulement en Libye. L’ONG Médecins sans frontières (MSF), dont des représentants se trouvent à Misrata, a exprimé, mardi, son « regret de n’avoir pas eu accès » aux lieux. Tous les blessés sont des migrants.

Le Nivin, spécialisé dans le transport de véhicules entre la Tripolitaine et Malte, était arrivé à Misrata le 11 novembre avec à son bord 91 migrants – principalement originaires de la corne de l’Afrique et d’Asie du Sud – recueillis en mer alors qu’ils faisaient route à bord d’un Zodiac vers Malte. Selon une source internationale, le transfert sur le Nivin a eu lieu le 8 novembre dans les eaux internationales, mais à un endroit relevant de la zone de recherche et de sauvetage (SAR) libyenne. Les gardes-côtes libyens ont ordonné au navire commercial de rapatrier les migrants, dont beaucoup sont des demandeurs d’asile, vers les côtes libyennes que ces derniers avaient quittées trois jours plus tôt.

« Violation du droit international »

Ce type de pratique de « refoulement » vers la Libye, qui n’est pas considérée comme un « pays sûr » au regard des violences qui y ont cours, est dénoncé par les organisations humanitaires comme contraire au droit international régissant le traitement des demandeurs d’asile. Amnesty International a fustigé « la violation du droit international » par le bateau Nivin.

Une fois retournés à Misrata, les migrants, parmi lesquels se trouvaient 28 mineurs, ont refusé de descendre, de crainte de revivre les violences qu’ils avaient déjà endurées au fil de leur traversée et de leur séjour en Libye. Ils ont alors pris le contrôle du bâtiment, se retranchant dans deux salles où les véhicules sont d’ordinaire stationnés.

Joint par Le Monde au téléphone, un Soudanais originaire du Darfour, répondant au nom de Mohamed, avait ainsi justifié le refus collectif de débarquer :

« Nous ne descendrons jamais. C’est trop dangereux. Une fois à terre, ils [les Libyens] nous tueront. »

Mohamed avait évoqué les violences qu’il avait subies depuis son arrivée en Libye un an plus tôt, notamment la mort de certains de ses compagnons de route. Quatorze migrants avaient toutefois accepté de descendre à terre avant l’assaut de mardi.

Depuis le soutien massif alloué par l’Italie et l’Union européenne aux gardes-côtes libyens, auquel s’ajoutent les entraves aux missions de secours des navires humanitaires, le flux de migrants et de réfugiés empruntant la route de la Méditerranée centrale entre la Libye et l’Italie s’est brutalement ralenti. Du 1er janvier au 18 novembre, 22 541 personnes sont arrivées en Italie en provenance de Libye, soit une chute de 80 % par rapport à la même période en 2017. Le retournement de tendance se paie au prix d’une remise en cause du droit international prohibant les refoulements dans les pays jugés « non sûrs », ainsi que l’illustre l’épisode du Nivin à Misrata.