Voilà qui donnera du grain à moudre aux mécontents passionnés de tableurs Excel. D’après une étude réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et publiée mardi 20 novembre, le revenu disponible des ménages aurait baissé en moyenne de 440 euros dans l’Hexagone entre 2008 et 2016. Une perte qui avoisine les 160 euros pour les 5 % de foyers les plus modestes et 2 500 euros pour les 5 % les plus aisés.

Comment ? Pourquoi ? L’enquête, intégrée au « Portrait social de la France » réalisé par l’Institut national des statistiques et des études économiques (Insee), esquisse des pistes, mais se garde bien de trancher.

Les auteurs se sont concentrés exclusivement sur l’impact des réformes sociales et fiscales mises en places sous les deux précédents quinquennats, les évolutions démographiques et celles du marché du travail. Des facteurs qui ne suffisent pas, manifestement, à tout expliquer.

D’importantes disparités selon le niveau de vie

A elles seules, les mesures socio-fiscales auraient en effet grignoté de 500 euros en moyenne le revenu disponible des ménages. Le découpage est simple : la hausse des cotisations et contributions sociales ainsi que celle des impôts sur le revenu et le patrimoine ont coûté (en moyenne toujours) 750 euros, alors que la revalorisation des prestations familiales, des minima sociaux et des aides aux travailleurs pauvres en rapportait 250.

On observe toutefois d’importantes disparités selon le niveau de vie. « Pour la moitié des ménages les plus modestes, la hausse des prélèvements a été plus que compensée par les réformes des prestations », dit l’étude. De fait, les 5 % de ménages les plus pauvres y ont gagné 450 euros, soit 3,9 % de revenu disponible en plus, quand les 5 % les plus riches y perdaient 5 640 euros, soit 5,1 % de revenu en moins. L’amortisseur social a donc plutôt fonctionné.

« Effet démographie »

Mais un autre phénomène a joué à plein : l’augmentation dans la population de la part des personnes seules et des familles monoparentales. Les ménages, plus éclatés, ont rapetissé, et leurs revenus avec. Un phénomène accentué par le vieillissement de la population. D’après l’OFCE, cet « effet démographie » a représenté une baisse de 400 euros du revenu moyen. Il semble que toutes les tranches de la population soient concernées, puisque les pertes de revenu touchent tous les vingtiles entre 1 % et 1,4 %.

Etonnamment, la hausse du chômage (passé entre 2008 et 2016 de 7,1 % à 9,8 % de la population active), l’augmentation du temps partiel et les changements dans la structure des catégories socioprofessionnelles n’auraient pas eu d’« effet significatif » sur le revenu disponible moyen, précisent les auteurs. Pas plus, d’ailleurs, que les réformes des prélèvements et des prestations sociales de 2017, dont l’impact est également mesuré dans le « Portrait social ».

Au bout du compte, l’étude de l’OFCE révèle surtout un manque : celui, criant, de modèles statistiques adaptés aux évolutions récentes du marché du travail. La précarité, comme la fixation des salaires pour les plus aisés, sont trop mal prises en compte. Et les chiffres, en l’état, ne collent pas.