Dans l’Hexagone, Snapchat revendique 13 millions d’utilisateurs qui se connectent chaque jour – en moyenne trente minutes en 20 sessions environ –, dont 80 % de plus de 18 ans. / DADO RUVIC / REUTERS

Snapchat poursuit sa politique de partenariats avec l’industrie des médias. Ainsi, depuis lundi 19 novembre, les utilisateurs français du réseau social peuvent voir des « shows », des petites émissions vidéo de cinq à sept minutes, publiées par 13 éditeurs, traditionnels ou plus récents : les groupes audiovisuels BFM-TV, France Télévisions (via Slash) ou M6 (via Golden News), le groupe de presse Le Figaro (via MAD), des médias qui ciblent les jeunes (Konbini News, Meltygroup ou Webedia), les sociétés de production 17 Juin Media et Mediawan Thematics [dont sont actionnaires Xavier Niel et Matthieu Pigasse, actionnaires du Monde], la plate-forme Loopsider, l’Olympique de Marseille…

La plate-forme prend une commission, plus élevée si elle a négocié elle-même avec l’annonceur et plus faible si l’éditeur a conclu l’accord

Les « shows » proposés s’inscrivent dans le cadre du divertissement et de la culture, plus rarement de l’information : « La Pépite » est une chronique de la matinale de BFM-TV sur une histoire marquante ; « Fan Zone », d’Allociné (Webedia), parle des superhéros ; « Match ou Next » propose des entretiens en s’inspirant de l’interface d’applications de rencontres comme Tinder ; « Sexy Soucis » (France Télévisions) aborde la sexualité avec un esprit de « service public ». « Loris à la rue » suit les tribulations du « pire journaliste du monde », inspiré par les satiristes Sacha Baron Cohen et Raphaël Mezrahi, explique Adrien Labastire, dirigeant de l’agence spécialiste de l’humour en ligne Golden Moustache, qui a lancé sa marque « Golden News ».

Presque toutes les émissions sont déjà publiées sur les médias des groupes concernés ou sur YouTube, la plate-forme de vidéo de Google. Snap Inc. (maison mère du réseau social Snapchat) ne finance pas de productions exclusives comme aux Etats-Unis, où les « shows », lancés il y a deux ans, proposent notamment de la téléréalité et de la fiction.

Le modèle économique est un « partage de revenus publicitaires », explique, sans plus de détails, Emmanuel Durand, le PDG français, ancien du studio américain Warner Bros. La plate-forme prend une commission, plus élevée si elle a négocié elle-même avec l’annonceur et plus faible si l’éditeur a conclu l’accord. Celui-ci peut en effet commercialiser des publicités sur ses contenus Snapchat. La plate-forme, elle, a la possibilité de vendre une « audience », c’est-à-dire un groupe d’utilisateurs ciblés, par le biais de publicités diffusées sur les contenus de divers éditeurs. Les revenus issus de ces deux modes de vente de publicité sont « équilibrés », juge M. Durand.

Se démarquer des « réseaux sociaux »

Le schéma est le même que celui retenu pour Discover, une partie de Snapchat lancée en 2015 pour accueillir les contenus écrits et illustrés de nombreux médias, dont Le Monde en France. Les « shows » sont une extension de cette section de Snapchat, dont le cœur demeure la partie sociale, par laquelle les adolescents et les jeunes adultes s’échangent des messages vidéo, souvent agrémentés de textes ou de « filtres » amusants – oreilles de lapin, arcs-en-ciel…

Si les éditeurs présents dans Discover n’ont pas le droit de communiquer leurs chiffres, M. Durand souligne que plusieurs ont choisi de produire aussi des « shows », ce qui sous-entend qu’ils trouvent le partenariat intéressant.

« Le but en venant sur Snapchat est de toucher un public plus jeune », résume Dorothée Topin, responsable des partenariats avec les plates-formes sociales à France Télévisions. Dans l’Hexagone, Snapchat revendique 13 millions d’utilisateurs qui se connectent chaque jour – en moyenne trente minutes en 20 sessions environ –, dont 80 % de plus de 18 ans.

En revanche, l’entreprise américaine ne fournit pas de statistiques précises sur Discover ou les « shows », assurant seulement que leur audience a crû ces derniers mois. Une façon de dire que la refonte critiquée de l’ergonomie de la plate-forme, en début d’année, n’a pas eu d’effets négatifs sur cette partie. Snap, encore déficitaire, tente aussi de se démarquer des « réseaux sociaux » comme Facebook, YouTube ou Instagram : « Chez nous, les contenus de médias sont sélectionnés sérieusement. Il n’y a pas de viralisation en fonction du nombre de vues ou de “like” », conclut Emmanuel Durand.